Chapitre 16: Le petit côté Dr. Jekyll des profs d'école secondaire

Publié le 27 Janvier 2019

Chapitre 16: Le petit côté Dr. Jekyll des profs d'école secondaire

À mon retour des Fêtes, je me remettais encore d'une grippe assez brutale. Tranquillement, les symptômes se sont évaporés, et j'ai finalement réussi à bénéficier d'un état de santé potable...

... pendant deux jours. Je me suis réveillée un matin avec un mal de gorge, qui a prédit l'arrivée d'un nouveau rhume. J'ai traîné cette irritation de la gorge pendant presque une semaine, comme une bombe à retardement. Jeudi dernier, je me suis finalement réveillée avec tous les symptômes. Yeux qui pleurent, nez qui coule, et éternuements en chaîne. Après deux jours à être fonctionnelle mais visiblement maganée, ça a finalement passé. 

C'était soit la 3e fois que j'étais malade cet hiver, soit une petite rechute de ma grippe des Fêtes. Dans tous les cas, l'hiver humide de la région, je commence à en avoir ras-le-bol.

"But you're Canadian, shouldn't you be used to this?"

Non. Après avoir passé un temps des Fêtes très agréable dans les -6 à -20 du Canada, je peux confirmer que c'est différent. Si j'avais passé ma vie dans ce climat Méditerranéen, ce ne serait probablement pas grand chose pour moi, et le climat canadien serait en effet pas mal plus tragique. Mais n'étant pas bâtie pour ce genre d'humidité, mon système flanche constamment.

Mais je ne peux pas trop me plaindre, car le climat a quand même ses bons côtés. 

"Winter ends in February here. You'll see, March will be full-on Spring. It's just one more month of this."

On prend son mal en patience, et on attend le printemps.

Et parfois, il y a des éclaircies comme on n'en voit pas en janvier au Canada. Juste hier, le soleil a finalement percé, après une semaine de froid en théorie supportable (10 degrés au thermomètre), mais en pratique glacial. Certes, il y avait du soleil avant aussi, mais hier, on a enfin ressenti la chaleur des rayons du soleil. Émerveillés, nous sommes allés prendre un café sur une terrasse, Teresa, Xavi et moi.

Je compare ce genre d'après-midi aux photos de verglas québécois qu'on m'envoie dernièrement, et je me dis que je ne fais pas trop pitié, finalement.

Chapitre 16: Le petit côté Dr. Jekyll des profs d'école secondaire

*

Avec le passage du mois de janvier, je me prépare à l'éventualité du déménagement. Le changement de famille d'accueil approche.

Jusqu'à la semaine dernière, je pensais encore déménager à Òrrius. N'ayant pas eu de nouvelles de la part de l'association des parents (en charge de mon placement dans les familles), j'assumais que rien n'avait changé. Puis, dimanche le 20, nous avons su qu'une famille avait été trouvée à Argentona, et qu'ils m'attendaient pour le 1er février.

C'est dommage pour la famille à Òrrius. Bien que la distance avait représenté un réel inconvénient, la gentillesse et chaleureuses personnalités de la famille m'avaient réconciliée avec les potentiels désavantages de l'emplacement. Ils sont probablement déçus aussi, car je crois que leurs filles avaient hâte d'avoir la chance de pratiquer leur français et anglais sur une base régulière.

Certes, si j'avais été à Orrius pour la deuxième partie de mon année ici, je n'aurais sans doute pas souffert. La famille potentielle là-bas semblait disposée à m'aider dans mes déplacements, et une prof de l'école qui habite à Òrrius m'avait même invitée à venir la voir parfois, la fin de semaine, pour jaser et pratiquer son français; elle est de la génération qui apprenait le français au lieu de l'anglais à l'école, avant que l'anglais ne devienne la langue internationale de choix un peu partout dans le monde.

Bref, c'était soudain comme changement, mais il demeure que de rester à Argentona rend les choses plus faciles. Je serai toujours en mesure de marcher pour aller à l'école, et de revenir dîner à la maison avant de repartir faire du tutorat l'après-midi. Ça rend aussi plus facile de maintenir une certaine vie sociale la fin de semaine, puisque je n'aurai pas à ajouter un bus supplémentaire sur mon trajet vers Matarò ou Barcelone, les quelques fois où je me sens d'attaque pour sortir d'Argentona au lieu de dormir tout le weekend. Ça n'arrive pas souvent, mais c'est bien d'en avoir la possibilité, au cas où.

Bref, je déménage la fin de semaine prochaine. Ce qui veut dire que, dans les 5 prochains jours, je dois refaire fitter ma vie dans mes 3 valises.

Misère.

*

Lizzy a commencé à travailler avec les élèves cette semaine, ce qui veut dire que les groupes ont été divisés entre nous deux. Plutôt que de faire des rotations qui me font voir les groupes une fois par mois, je peux maintenant les voir aux deux semaines.

Ce qui veut dire que je vais enfin pouvoir finir d'apprendre tous les noms.

Amen.

*

Lundi a toutefois débuté avec une nouvelle moins drôle. Gemma, la prof de français avec laquelle je travaille le plus régulièrement, est présentement à l'hôpital. Elle s'est sentie mal dans la nuit de dimanche à lundi, quelque chose en lien avec le foie, de ce que j'en comprends. Nous n'avions pas suffisamment de détails pour savoir s'il allait falloir la remplacer le temps d'un congé de maladie, ou si elle allait revenir après quelques jours seulement.

Elle y était encore jeudi, alors j'ai passé la semaine à naviguer les profs remplaçants et improviser lorsque son absence affectait les activités initialement prévues avec les élèves. C'est dans ce genre de situations que mon expérience de monitrice de camp se révèle utile, car mon répertoire de jeux pour tous les âges me permet de ne jamais être prise au dépourvu. Il y a toujours quelque chose à faire.

On espère que Gemma aille mieux cette semaine. 

*

Vendredi, un souper avait été organisé par les profs, cette fois dans un restaurant à Mataro, contrairement au dîner de Noël qui avait été tenu à la cafétéria de l'école pour l'aspect pratique de la chose.

Un peu de vin, un restaurant pratiquement vide et de la bonne compagnie auront suffit à faire ressortir le côté wild du corps professoral d'Argentona, un côté que les étudiants ne voient pas souvent. Ou devrais-je dire, ne voient pas, point.

Les assiettes vides avaient à peine été ramassées qu'un jeu de charades à connotations sexuelles battait son plein, avec des profs debout sur les tables pour être bien vus de tous.

"Are we allowed to do this?"

"What do you mean?"

Aucun serveur n'a semblé troublé. Nous avons poursuivi le jeu jusqu'à la fin, sans embûches.

*

L'alcool délie aussi les langues. À notre petit coin de table, tous les sujets y ont passé.

"My boyfriend, he really wants children. He's 38, you see. I am 32, and most of my friends already have their 2nd or 3rd one. But I don't know. I just can't see myself at that point in my life. Not yet."

"I am 37. I really wanted children, I would have loved to be a mom in my twenties. But now I don't want to anymore. I've missed my cue, it feels. I know I'm not too old, in theory, but I feel too old for it. It's not for me anymore."

"I'd love to be a mom. Even though I'm only 22, if I was in a stable relationship right now, I'd be a mom. No hesitation. I want children with the right man, of course, and so I'll wait as long as I have to, but I'd have them right now if I could."

"Many of my friends are at that point now. Children, house, job. When that makes them happy, I'm happy. But I also know that's not for me. Maybe it'll come later. I come from a family of late motherhood, of women who are completely disinterested in the concept of children until, well, we aren't anymore. So who knows."

*

"I dated my boss' son once. That did not end well, as you can imagine. But not for the reasons you'd think. He just suddenly stopped responding to my messages one day. It broke my heart, I spent two months crying. And then, I was better. And not long after that, I met the man who's now my current partner, and I've never looked back. That other guy finally messaged me, months later, when I was with my boyfriend, and I just ignored him. Not worth my time, you know."

"My first relationship was super short. I was a teenager, it wasn't really serious. Some time after it ended, I dated the guy's brother. And he was the love of my life. We dated for 5 years. The ending of that relationship wrecked me completely. I've only had two more relationships since that time. And my current one is probably the first one in a long time which feels right."

"I've only had one boyfriend. And I ended it. I realized that I liked him, but I didn't love him, and I couldn't see myself spending the rest of my life with him. We were basically wasting our time together."

"You know, I've had three relationships, and all of them ended on good terms. It was either me breaking it off, or it was a mutual agreement, but every time, it ended with a genuine heart-to-heart, leading to what I felt was always a healthy breakup. Every time, I was sad, I grieved, but I got over it fairly quickly. The only time I got my heart really broken, like, smashed to pieces, was ironically with a guy whom I never got to call my boyfriend. We just never got to that point. We met in Peru. He was American. I thought I'd never see him again after the trip and I was okay with that, but he was the one to insist we should visit each other, keep in touch. I was skeptical. But he was true to his word, and we spoke every day. He visited me. I fell in love. And then, when I was making plans to visit him in Florida, he told me there was another girl, that he was pursuing a serious relationship with her, and that was that. I spent two weeks in my bed, broken. I'd never felt this way before. And I never have again."

*

"Love, man."

"Cheers to that."

*

Après le souper, la majeure partie des profs sont allés danser dans un bar pas loin. Lizzy et moi avons opté pour rentrer à la maison.

"WHAT! But you're YOUNG!" nous a-t-on lancé.

Être jeune n'exclue pas la possibilité d'être plate. Qu'on se le tienne pour dit.

Je suis quand même arrivée à la maison à 2h du matin, avec tout ça.

*

Depuis que je suis en Espagne, ma perception du temps a complètement changé.

En dînant à 15h, la moitié de la journée n'est plus à midi, mais bien à une heure qui était autrefois le milieu de l'après-midi pour moi. Avant, si j'avais du travail à faire, et que je voyais qu'il était déjà 16h, je déplorais le fait que j'avais gaspillé ma journée à procrastiner. Maintenant, s'il est 16h, c'est pour moi le début de l'après-midi.

Je ne me couche pourtant pas plus tard qu'avant. On soupe à 22h, et je me couche vers minuit. Ce qui change, c'est le nombre d'heures dont je dispose après souper, en fait. Au Canada, l'après-souper n'est jamais productif. Mais ici, les heures entre 16h et 21h sont comme mon après-midi, alors psychologiquement, je demeure plus productive.

Je craignais de prendre du poids en raison de l'heure tardive du souper. Se coucher le ventre plein n'est pas reconnu comme une bonne idée par chez nous. Mais le fait que je mange des repas maison à tous les repas (en comparaison à la cuisine rapide que j'ingurgite quand je cuisine pour moi-même au Québec), ça finit par s'équivaloir. Je mange plus de collations à différents moments de la journée, mais pratiquement jamais de dessert.

Comme quoi, on s'adapte à tout.

Rédigé par la-grande-fugue

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article