Chapitre 14: Interlude en Islande

Publié le 13 Janvier 2019

Chapitre 14: Interlude en Islande

L’avion a atterrit à Keflavik dans la pénombre du matin. De mon hublot, je ne percevais que les lumières orangées des hangars entourant la piste d'atterrissage.

Il était 4h30AM, heure d'Islande.

Non pas que la noirceur soit particulièrement révélatrice par ici. L’Islande, c’est, disons, pas mal dans le nord. Le soleil se situe à un angle différent par rapport à là où on se trouve, les variations des heures de clarté sont donc plus extrêmes. L’été, le soleil se couche à minuit et se lève de nouveau vers 3h du matin. Même au plus sombre de la nuit, le ciel n’est jamais complètement noir. Une petite allure de lever du soleil imminent demeure.

Ça, c’est l’été. Mais en ce mois de janvier 2019, c’est l’hiver. Le temps de me rendre à mon auberge à Reykjavik, déposer mes sacs, utiliser le wifi, puis repartir à pied vers le centre-ville, le ciel était encore complètement, indubitablement sombre. Aucun signe d’aube à l’horizon. Il était 7h30.

Et le soleil n’est pas le seul à tarder le matin. À 7h30 le matin, les rues étaient pratiquement désertes. Peu de piétons, encore  moins de voitures. J’ai traversé plusieurs rues illégalement sans jamais craindre pour ma vie. En passant devant l’immense église du centre-ville, j’ai vu un groupe de touristes, chacun traînant une valise trop grosse, trop lourde, sans doute en attente d’une navette vers l’aéroport. Derrière eux, la pointe de la cathédrale obscure grimpait jusqu’à perte de vue. À une époque où les églises sont désertées, on pouvait dire que, ce matin-là, il y avait du monde à messe.

(Ou en tout cas, à côté de la messe.)

Chapitre 14: Interlude en Islande

Devant l’église, une petite rue de commerces et de restaurants débutait. J'étais en quête d’un endroit pour déjeuner, et les décorations de Noël accrochées sur les façades des magasins et suspendues en zigzag au-dessus de la rue déserte m’ont donné espoir. Je m’y suis engagée.

J’ai rapidement compris que cette partie de la ville, bien que mieux éclairée avec ses lumières de Noël, était tout aussi endormie. Tout magasin, café et restaurant était fermé. Les heures d’ouverture sur les portes annonçaient l’ouverture à 10h.

Il était 7h45.

Occasionnellement, une voiture passait lentement à mes côtés. Autrement, le seul bruit qui  hantait les rues était le sourd grincement des immenses cloches décoratives pendues au-dessus de la rue, à chaque centaine de pas. Le vent les balançait lentement, si lentement qu’on devinait leur lourdeur simplement à les regarder, et le son creux de leurs mouvements nous menaçait de graves conséquences si l’une se trouvait malencontreusement à se décrocher.

Je dis “nous”, mais bien sûr, j’étais seule à les regarder.

J’ai finalement trouvé un café ouvert, lorsque je commençais à perdre espoir. De l’autre côté de la rue, un café qui m’avait été recommandé ouvrirait à 9h. J’ai donc commandé un thé au café déjà ouvert, en attendant de pouvoir aller manger une gaufre de l’autre côté.

Le premier café était petit. Juste assez d’espace pour le comptoir de service, et des places assises sur une table-comptoir qui longeait le mur. Je me suis assise dans le coin, avec mon thé et mon livre. Un homme est arrivé peu après moi, s’est adressé à l’employée en islandais, puis s’est installé deux sièges plus loin. Nous avons été tranquilles pendant quelques temps. Puis, vers 8h30, Reykjavik s’est réveillé.

Ou en tout cas, juste assez de monde pour venir remplir tout l’espace disponible à l’intérieur du minuscule café, plus l’espace de trottoir à l’extérieur. Tout ce monde-là se parlait en islandais, et semblait tous se connaître. Peut-être assistais-je à une traditionnelle jasette matinale autour d’un café entre locaux, en ce vendredi matin, avant le travail. Rapidement, j’ai trouvé que je manquais d’oxygène. J’ai avalé les dernières gorgées rendues amères de mon thé, et je suis ressortie respirer l’air frais de la rue déjà un peu plus vivante, bien qu’encore inexplicablement tranquille pour un vendredi matin à 8h45, et toujours obstinément sombre. Le contraste entre l'ambiance animée et suffocante du minuscule café bondé et celle du reste de la rue, à la circulation clairsemée et lente, était marquante.

*

À 9h, je suis allée manger une gauffre et boire un latte au café Mokka en face.

Un peu avant 10h, je suis ressortie, et en mettant les pieds dehors, j’ai constaté que le ciel commençait enfin à tirer sur le bleu foncé. Je suis allée acheter un imperméable cheap au petit magasin touristique à côté du premier café, car la météo de la journée ne s’annonçait pas encourageante. Les heures sur la porte promettaient une ouverture à 10h, mais j’ai dû attendre jusqu’à 10h10 avant que l’employée n'arrive en voiture, très relax, pour ouvrir le magasin et commencer son shift.

Je suis ensuite partie en direction de la place Austurvöllur, où une visite guidée à pied débuterait à 10h30. Ce serait mon premier survol de cette ville aux allures fantomatiques.

*

Eirikur était le nom de notre guide. Aussi connu sous le nom de Erik, pour les touristes intimidés par la prononciation qu’il fait pourtant paraître si facile quand il nous la débite à la vitesse de, eh bien, de quelqu’un d’ici.

Erik a  fait le tour des participants pour vérifier nos réservations, et a pris le temps de nous demander d’où nous venions.

“Canada,” j’ai répondu.

“Oh, Canada. It’s quite cold there these days, isn’t it?”

“-20.”

“I see. So Iceland is nice and warm for you, then, isn’t it?”

“Real cozy, yes.”

“Yes, Iceland is not as cold as most people tend to think. Although, right now, it’s a little unusual. The other day, we recorded a temperature of 16 degrees in one town. That’s our summer weather. Completely ridiculous. Usually, January varies between 3 and -3 degrees.”

“Wow.”

“It’s funny. But also frightening. Quite frightening.”

Et juste comme ça, ma visite à Reykjavik venait de prendre un tournant politique.

#ChangementsClimatiques

*

La visite guidée se concentrait sur l’histoire du pays et de la ville. L’une des premières choses que nous avons apprises nous a été révélée après que notre guide ait vérifié qu’il n’y avait aucun Danois parmi nous.

Les Islandais n’aiment pas les Danois.

"Iceland reclaimed its independence from Denmark in 1941. You'll notice that's right in the midst of World War I. Not a coincidence, of course. Denmark was under Nazi rule at the time, and was unable to manage its international affairs. Most colonies were left unattended. So what did we do?"

Son sourire entendu fut la réponse.

Ça m'a fait pensé à une visite guidée à pied que j'avais fait à Mataro, pas loin d'Argentona, en Catalogne, en compagnie de ma famille d'accueil. Dans le groupe, il y avait un couple, qui avait apporté leur chien pour la marche. La laisse du chien ne m'avait pas parue très serrée, mais puisque le chien tirait toujours vers l'avant avec vigueur, le trou pour sa tête se resserrait constamment. Ironiquement, il s'empêchait lui-même de se libérer.

Puis, lors d'un arrêt où la guide nous expliquait l'histoire d'un bâtiment en particulier, le chien s'était assis pour respirer, et était resté tranquille quelques minutes. Personne ne lui portait attention, à part moi, qui ne parle pas catalan et ne comprenais donc pas grand chose de ce que nous racontait la guide de toute façon. Maintenant qu'il ne bougeait plus, sa laisse pendouillait bêtement autour de son cou, et je suis certaine qu'à ce moment, j'ai vu les petites roues commencer à tourner dans sa tête.

Tranquillement, doucement, sans éveiller le soupçon de quiconque, je l'ai vu pencher la tête sur le côté, tout lentement, sans mouvement brusque. Furtivement, il s'est tortillé un peu, et puis HOP, il avait passé sa tête dans le trou de sa laisse et courait maintenant partout. Il n'essayait pas de s'enfuir, mais il sautillait tout autour du groupe, tout content, se régalant des exclamations alarmées du couple et des gens tout autour.

L'Islande et ce chien, même combat.

*

Bien en vue dans le hall de l’hôtel de ville se trouve une carte topographique de l’Islande. Notre guide nous y a emmenés pour nous expliquer la géographie du pays, ainsi que plusieurs faits divers à son sujet.

Une île a dû être ajoutée à la carte avec de la colle dans les années 1960, car elle n’est apparue qu’en 1963, le résultat d'une éruption volcanique sous-marine. Il s’agit de l'une des plus jeunes îles au monde.

Les 2/3 de la population islandaise habite à Reykjavik et ses environs. C’est 200 000 personnes sur 350 000. Les autres habitent dans des villages plus éloignés, des communautés typiquement très petites. Sur la carte, des points oranges marquaient l’emplacement de ces différents villages dispersés sur les côtes. Pour se mériter un point orange, le village devait compter 100 habitants ou plus.

"If your village counts only 80 people, I'm sorry, no orange dot for you."

Ces villages se situaient tous sur la côte, le centre du pays étant un vaste territoire montagneux et froid, pratiquement inhabitable. Plusieurs de ces montagnes représentées sur la carte étaient d'ailleurs agrémentées d'une vaste surface blanche, couverte de neige, lorsqu'il ne s'agissait pas carrément d'un immense glacier.

"This map was built a long time ago. Unfortunately, the glacier area today is much smaller than what you see represented here. The glaciers are melting at an alarming rate, and the effects are felt. It's frightening, absolutely frightening, that's what it is."

#ChangementsClimatiquesPrise2

Chapitre 14: Interlude en Islande

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En Islande, ils exploitent principalement l’énergie géothermique. Ils mènent leur vie en constant danger face aux fortes possibilités d'éruptions volcaniques un peu partout sur le territoire, mais lorsqu'il est question d'énergie durable, leur environnement se révèle utile. Ça marche tellement bien, qu’ils n’ont même pas besoin d’utiliser d’éoliennes, malgré leurs vents spectaculaires.

“We just don’t have to.”

L’énergie ne coûte pas cher non plus. En fait, la facture de chauffage et d’électricité est tellement abordable que les Islandais ne se soucient pas toujours de fermer les lumières et le chauffage en sortant.

I live alone with my cat, and right now, the heat and lights are on in my house. So that way, the cat doesn’t get scared.”

Pauvre minou.

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Parlant de chats, l’une des premières choses que j’ai remarquées lors de ma marche matinale, c’est le chat géant illuminé qui décore un coin passant du centre-ville. Il se tient debout sur ses quatre pattes, à l’exception d’une patte levée en pose d’attaque. L’expression de son visage est en colère, et on peut presque l’entendre feuler.

C’est le chat de Noël, le croque-mitaines islandais, dans un sens. La veille de Noël, on raconte aux enfants qu’un chat géant fait le tour des maisons pour manger les enfants qui refusent de se laver et de se changer. Si tu ne veux pas passer les Fêtes dans l’estomac d’un félin féroce, mieux vaut prendre ton bain sans chigner.

J’imagine que ça doit marcher, car la tradition se poursuit d’année en année. Les enfants qui admiraient la sculpture de lumières féline ce jour-là, toutefois, semblaient plus intrigués qu’apeurés.

Ce ne serait pas la première tradition étrange qu’on aura vue.

Chapitre 14: Interlude en Islande

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La culture islandaise est parsemée de croyances surnaturelles. Ils ont des trolls, qui doivent fuir la lumière du soleil à tout prix, et des elfes, qu'ils appellent aussi le peuple caché. Ces derniers, on dit qu’ils sont les descendants malchanceux d’Ève et Adam.

Un beau jour, Dieu annonça sa visite à Ève, qui se mit aussitôt à laver et préparer ses enfants pour l’événement. Paniquée, elle réalisa qu’elle n’aurait pas le temps de tous les rendre présentables à temps, et décida donc de cacher les enfants qui n’étaient pas lavés.

Lors de son passage, Dieu demanda s’il s’agissait là de tous ses  enfants. Ève acquiesça. Mais Dieu, étant Dieu, savait bien qu’elle avait d’autres enfants qu’elle lui cachait. En guise de punition pour son mensonge, Dieu déclara que tous les enfants cachés demeureraient cachés à tout jamais. Depuis ce temps, les descendants de ces enfants demeurèrent camouflés, invisibles à l’œil des gens comme nous, simples descendants des autres enfants d’Ève, ceux qui avaient pu être lavés à temps pour la visite de Dieu.

Visiblement, les Islandais nourrissent une certaine obsession envers les enfants pas lavés. Ça, ou ils ont juste beaucoup de mal à laver leurs enfants.

Bref,  à cela s'ajoutent les trolls, ces géants qui, dans plusieurs histoires du folklore, ne peuvent entrer en contact avec la lumière du soleil. S’ils émergent à la clarté du jour, ils seront aussitôt changés en pierre. Plusieurs grands rochers aux formes inhabituelles ont d’ailleurs longtemps été vus comme des trolls malchanceux, n’ayant pas pu s’abriter à l’ombre avant qu’il ne soit trop tard.

Icelanders laugh when they hear foreigners refer to them as believers of fairy tales. But surveys show that most Icelanders don’t deny the existence of these supernatural beings. I guess you just can't shake that thought... Who can be sure, really?

*

La visite guidée a pris fin un peu avant 13h. Notre guide a fait circuler une boîte de bonbons islandais (leur spécialité: la réglisse noire), nous lui avons remis nos pourboires, et puis ce fut la fin.

Je commençais déjà à faner, je n’avais pas beaucoup dormi dans l’avion pendant la nuit. Mais je ne voulais pas aller me coucher tout de suite. Je suis donc allée au Musée national, voir l’exposition sur l’histoire de l’Islande, et particulièrement sur l’influence des colons norvégiens et de la monarchie danoise sur sa culture islandaise à travers les années. J’y ai passé environ deux heures.

À ma sortie, j’étais vraiment fatiguée. Je suis allée manger un hot dog islandais (avec des oignons et de la sauce), puis je suis rentrée à l’auberge. Je me suis installée dans ma chambre, un dortoir de 16. Quelques filles faisaient une sieste, et je ne me suis pas gênée à faire de même. Vers 19-20h, elles se sont levées, peut-être pour aller faire la fête plus tard, ou pour partir à la chasse aux aurores boréales. Moi, je suis restée couchée.

Je n’ai pas dormi de façon très continue. Dans un dortoir, il y a toujours de la circulation à toutes sortes d’heures.

Étant grippée et épuisée, j’ai sans doute ronflé et toussé toute la nuit.

Au grand plaisir de mes confrères de dortoir, j’en suis sûre.

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Chapitre 14: Interlude en Islande

En Islande, les attractions touristiques populaires sont en dehors de Reykjavik, et assez loin les unes des autres. La meilleure option est soit de louer une voiture pour visiter, ou réserver une visite guidée en bus.

Étant seule, il s’avérait plus simple de prendre les visites guidées.

Pour mon 2e jour en Islande, j'ai réservé une visite guidée de ce qu'ils appellent le cercle doré, une série d'attractions touristiques en dehors de Reykjavik. On prend un chemin différent pour y aller et revenir, ce qui forme un cercle.

Quand nous sommes partis de Reykjavik à 8h, il faisait toujours sombre. La visibilité en ville était acceptable, mais une fois hors de l'agglomération de Reykjavik, nous avons pénétré la noirceur totale de la campagne islandaise. Pas de lampadaires, pas de lune, rien à part les phares du bus pour s'orienter. De ma fenêtre latérale, je ne voyais tout simplement rien.

Nous sommes arrivés à notre premier arrêt vers 9h30: le parc national Thingvellir.

Au 10e siècle, le peuple islandais a établi son tout premier parlement, et les rencontres se tenaient là, à Thingvellir, près d'un rocher qui, malheureusement, n'existe plus aujourd'hui. L'attraction principale de ce lieu aujourd'hui, c'est le fait qu'il se situe exactement là ou les plaques tectoniques des continents européens et américains se rencontrent. Ou plutôt, se séparent, car l'espace est parsemé de fissures qui s'agrandissent toujours un peu plus.

Ces fissures sont pour la plupart remplies d'une eau parfaitement claire. On dit qu'on peut y voir des pièces de monnaie à des mètres de profondeur, souvenirs d'une époque avant l'implémentation de règles plus strictes pour les visiteurs.

Mais quand nous y étions, il faisait trop noir, et nous avons admiré le paysage du haut du centre des visiteurs. Le ciel était à peine bleu foncé, juste assez pour voir la silhouette noire des montagnes percer le paysage. Devant, les ruisseaux formés par les fissures dessinait un réseau complexe d'un bleu foncé mais malgré tout vif dans la pénombre. Magnifique. Et aussi impossible à prendre en photo avec un iphone.

Souvent, les groupes se font laisser au centre des visiteurs, et l'autobus va les attendre au stationnement en bas de la falaise, afin que les touristes marchent le long de la descente. Mais ce matin-là, la guide nous a simplement donné rendez-vous au même stationnement que le point de descente, devant le centre des visiteurs. Peut-être faisait-il trop noir, peut-être étions-nous en retard sur l'horaire. J'étais un peu déçue, et ça m'a rappelé pourquoi je n'aime pas normalement les visites de groupes en bus. 

Mais à 10h05, il a fallu reprendre la route.

Impossible de prendre de belles photos dans le noir, mais ce n'est pas faute d'avoir essayé.

Impossible de prendre de belles photos dans le noir, mais ce n'est pas faute d'avoir essayé.

*

Il était environ 11h lorsque nous sommes arrivés au deuxième arrêt: Geysir, le site où se retrouve le fameux geyser Strokkur, qui entre en éruption à toutes les 10 minutes, au plaisir des visiteurs et de leurs instagram.

Il y a plusieurs autres geysers sur le site, mais les autres sont soit inactifs, ou n'entrent en éruption que très rarement. On y voit l'eau bouillir, ou parfois juste s'évaporer constamment, sans explosion. Cette vapeur qui flotte dans l'air au-dessus de l'herbe à la fois séchée par le froid et mouillée par la boue, ça donne au sentier une allure de brouillard mythique. On y comprend pourquoi beaucoup d'auteurs du genre fantastique affirment s'être inspirés du paysage islandais. 

À travers tout ça, le geyser Strokkur est très facile à identifier: c'est là où l'attroupement de touristes se trouve, immobile, attendant patiemment, téléphones et caméras en main, la prochaine éruption.

Il faisait déjà beaucoup plus clair, bien que mes photos gardent une teinte bleutée qu'on ne retrouverait jamais sur des photos prises à 11h20 du matin, si nous étions n'importe où ailleurs.

J'ai fait le tour, pris plusieurs photos. J'ai même réussi à aller aux toilettes et m'acheter de quoi grignoter avant de devoir remonter dans l'autobus pour le départ.

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Chapitre 14: Interlude en Islande

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Il était midi lorsque nous sommes arrivés au 3e et dernier arrêt. La chute de Gullfoss.

Fidèle à mes habitudes, je n'avais pas vraiment fait de recherche avant de me lancer dans cette expédition. Chaque arrêt était pour moi une nouvelle surprise.

Du stationnement, on ne pouvait voir que la grande cabane en bois qui servait de magasin à souvenirs et de restaurant. À sa gauche, une plus petite cabane servait de toilettes.

Un peu plus loin, à l'extrémité de l'espace de stationnement, se trouvait un gros véhicule dédié aux excursions plus extrêmes. On aurait dit un genre de bus aplati, monté sur des roues de monster truck. Une partie de notre groupe (ceux qui avaient payé le gros prix) ne remonteraient pas dans le bus avec nous après avoir visité la chute, et partiraient plutôt dans ce monstre pour aller s'aventurer sur un glacier dans les environs. Ça promettait.

Du stationnement, on ne voyait pas la chute. Mais on l'entendait. J'ai suivi les touristes qui marchaient tous dans la même direction, le long d'un petit sentier. En chemin, j'ai pris quelques photos du paysage montagneux. Je voyais déjà la rivière, mais pas encore sa conclusion dramatique, que j'entendais pourtant de plus en plus fort. Vêtue de mon imperméable cheap (qui, je l'ai découvert bien après l'avoir acheté, portait une inscription au dos: Icelandic summer is a joke), je me suis aventurée dans la descente d'un long escalier en bois mouillé. Soudainement, la chute a émergé de mon angle mort.

Je me suis arrêtée un moment, estomaquée. J'ai déjà visité les chutes du Niagara, et pourtant, rien ne m'avait préparé pour la taille de cette chute, et la férocité de son courant. Avec du recul, je me dis que Niagara est sans doute plus grande. Mais Gullfoss, pas besoin de monter dans un bateau pour la voir de tout près et avoir le vertige.

Nous avions une heure pour nous promener tout autour, et l'admirer de différents angles.

Je n'ai pas eu le temps d'aller aux toilettes.

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Chapitre 14: Interlude en Islande

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Pour le retour, nous prenions un chemin différent (d'où le nom, "cercle doré"). Nous avons fait un détour pour déposer d'autres passagers qui avaient réservé un extra différent: une entrée au lagon secret (Secret Lagoon), un spa géothermique. Moi, j'avais déjà payé mon entrée hors de prix au Blue Lagoon pour ma dernière journée, alors je m'en suis tenue à la visite de base, et je suis restée dans l'autobus jusqu'au retour à Reykjavik vers 15h.

Sur le chemin du retour, nous avons bien vu la nature imprédictible de la température en Islande. Il avait plu toute la journée sur notre trajet, mais au retour, une fois que nous étions dans l'autobus pour plus longtemps, il s'est mit à faire un très beau soleil. Jusqu'à ce que nous frappions une tempête de neige, bien sûr. Ça a duré 5 minutes. Il s'est remis à faire beau après.

En Islande, ils ont un proverbe. Si tu n'aimes pas la température... attends cinq minutes.

À notre entrée à Reykjavik, il pleuvait à nouveau.

En Islande, si tu n'aimes pas la température... attends cinq minutes.
En Islande, si tu n'aimes pas la température... attends cinq minutes.

En Islande, si tu n'aimes pas la température... attends cinq minutes.

À l'auberge, je me suis reposée une heure dans mon dortoir, puis je suis ressortie. Il était encore tôt, et en soirée, j'avais réservé ma place sur une expédition pour aller voir les aurores boréales, alors je ne pouvais pas me coucher tôt. Le départ était à 21h, retour prévu vers 1h du matin.

Je suis allée marcher dans le centre de Reykjavik à nouveau. J'ai réussi à aller visiter avant qu'elle ne ferme The Settlement Exhibition, qui détaille les trouvailles reliées aux premiers colons, datant de l'époque viking.

J'ai mangé un autre hot dog islandais pour souper, parce que la vie coûte cher dans ce pays, et mes visites guidées ne me permettaient pas de faire de folies dans les restaurants comme ailleurs.

Je suis revenue à mon auberge vers 19h. J'ai pris une douche, je me suis reposée. Puis, à 21h, je suis allée rejoindre les autres participants des aurores boréales qui attendaient dans le lobby. 

Je m'étais inscrite à la dernière minute, mon nom n'apparaissait pas sur la liste du conducteur, mais j'avais mon reçu, et puisque j'étais seule, ce n'était pas difficile de me coincer dans un des bus à l'improviste. Je n'ai pas eu de problème.

Les derniers soirs avaient été nuageux, c'était le premier soir qui s'annonçait plutôt prometteur. Nous remplissions deux autobus, et ça, c'est sans compter les autres compagnies touristiques qui ont sans doute emmenés bien d'autres groupes à d'autres endroits potentiels ce soir-là.

J'étais seule et l'autobus était plein à craquer. Un inconnu a assez rapidement eu à prendre le siège à côté du mien.

"Hi, I'm Sreekanth," me dit-il.

"Caroline."

"Where are you from?"

"Canada. You?"

"I'm Indian, but I work in the States."

"Oh, very cool! What do you do in the States?"

"Well. I work for NASA actually."

"Haha, good one!"

"..."

"Oh you're serious."

Sur la route, pendant que nous étions de nouveau plongés dans la noirceur de la nuit, l'apprenti de notre guide nous débitait tout plein d'informations sur les aurores boréales, leur formation, et les facteurs qui influencent leur apparition. C'était un peu monotone, je me suis perdue dans la contemplation du paysage qu'on apercevait à peine, à la lumière des étoiles.

Après peut-être 10 minutes de route en dehors de Reykjavik, nous avons frappé une tempête de neige. Les grognements dans l'autobus s'entendaient jusqu'au fond. Ça s'annonçait peu prometteur pour les aurores boréales. Dans le micro, le guide nous rappelait sagement, "In Iceland, if you don't like the weather..."

La visibilité était pratiquement nulle. Grâce aux reflets d'une lumière de source inconnue - ce ne pouvait pas être les phares du bus, car ces derniers n'avaient pas été suffisants pour m'apporter la moindre visibilité lorsque nous étions en route vers le cercle dorée à 8h le matin, et ce ne pouvait pas non plus être la lune, avec tous ces nuages - je voyais la silhouette du terrain accidenté se défiler, une combinaison de neige, de boue, et peut-être de vieilles traces de lave et de cendre volcanique. En Islande, on ne sait jamais.

Les détails du paysage, difficiles à capter dans cette obscurité et ce rideau de neige qui nous entourait, défilaient à toute vitesse devant moi. Une colline, une fissure convertie en ruisseau, une clôture, une dépression dans le sol, une silhouette humaine.

Une silhouette humaine? Qui pouvait bien être dehors par un temps pareil, dans un immense champ au milieu de nulle part, dans le noir, sous les gros flocons poussés furieusement par le vent? Comme au ralenti, j'ai capté la présence de cette silhouette, comme une jeune femme de taille moyenne, des jambes minces, des épaules camouflées sous ce qui semblait être une petite cape blanche, des cheveux noirs. Debout au sommet d'une bosse dans le sol inégal, le visage tourné au loin, dans la direction opposée, vers les montagnes. Aussi rapidement qu'elle m'apparut, elle disparut dans la distance, sans me laisser confirmer qu'il s'agissait bien d'un être humain, et non pas d'une simple irrégularité dans le paysage escarpé.

(Ou d'une elfe.)

Je suis revenue à la réalité, l'apprenti guide parlait encore. À mes côtés, Sreekanth levait métaphoriquement les yeux au ciel (car dans la noirceur, je n'aurais pas pu savoir s'il le faisait littéralement), et murmurait.

"Pft, I could have done so much better."

*

À notre arrivée, le guide avait des nouvelles encourageantes: le groupe qui avait quitté l'auberge à 20h et qui était arrivé plus tôt avait observé des signes d'aurores potentielles derrière quelques nuages. 

Le guide avait ajusté nos attentes au départ. We have studied the weather forecasts all day. We are taking you to the spot we believe is the most promising.  We will not be moving throughout the night, that would just be risking missing the one moment the clouds will clear. We are dealing with Mother Nature here. And, well, we all know mothers, huh?

Dans ce champ au milieu de nulle part, nous pouvions voir un magnifique ciel étoilé comme je n'en avais pas vu depuis longtemps. Derrière les nuages qui flottaient au-dessus des montagnes, nous pouvions voir quelques reflets verdâtres qui s'annonçaient prometteurs.

Nous avons attendu longtemps.

Nous avons vu les nuages tranquillement recouvrir le ciel étoilé, jusqu'à ce qu'on n'y voit plus rien.

Nous avons continué de regarder le ciel pendant que la neige nous tombait dessus à gros flocons.

L'Islande, ce n'est pas aussi froid que le Canada, mais à rester là pendant 3 heures, les pieds dans la neige, j'avais plus que froid.

Puis, la neige a cessé. Le ciel s'est éclairci. Nous fixions tous le ciel si intensément que nous en avions des hallucinations.

"Is that a Northern Light?"

"There's literally nothing up there."

Beaucoup avaient cédé et étaient retournés attendre dans l'autobus, au chaud. En Canadienne boquée, j'ai continué d'attendre dehors malgré les frissons.

Puis, j'ai aperçu une lueur dans le ciel. C'était blanc, c'était discret. On aurait dit un nuage de lumière qui s'étirait et s'effilochait au travers des étoiles. Au début, on aurait dit une de ces hallucinations que nous avions eu plusieurs fois depuis notre arrivée. Puis, ça s'est défini, c'est devenu plus clair. On aurait dit ces lignes de lumières colorées qui apparaissent sur les photos du trafic urbain prises le soir, avec une vitesse d'obturation ralenti, au point où les voitures ne sont plus rien que des ficelles de lumières.

De larges ficelles blanches se distinguaient sur le ciel. On en voyait trois. Elles ne dansaient pas, elles ne brillaient pas de toutes les couleurs comme sur les photos saturées de Google Image, mais elles traversaient le ciel comme des traces de peinture embrouillées par le temps et l'usure.

Les aurores boréales.

*

"Anybody want to go get the people on the bus?"

*

"PEOPLE. Turn off those DAMN flashes. They won't help you!"

*

Chapitre 14: Interlude en Islande

Le troisième jour, je partais à 9h le matin pour une visite guidée de la côte sud du pays, un autre trajet touristique très populaire.

La route pour se rendre au premier arrêt a pris plus d'une heure trente, alors je me suis rattrapée sur mon sommeil perdu. J'étais occasionnellement réveillée par la guide qui nous expliquait le paysage au passage. 

"And now, people, we are nearing the area of the infamous volcano, the one that made a splash in international news in 2010, partly because of its damage on the environment and the limitations it brought on air travel, but mostly because not a single person outside of Iceland could pronounce it properly. Eyjafjallajökull."

Peu après ces paroles, le paysage a changé, d'abord imperceptiblement, puis de façon plus marquée. L'herbe séchée par le froid a cédé la place à un sol noir et sans vie, entrecoupé de fissures maintenant emplies d'eau. La végétation commençait à se frayer un chemin par endroits, mais les ravages de la cendre volcanique demeuraient visibles, 10 ans plus tard.

Après un temps, les parenthèses audio de la guide ont cessé de me réveiller.

*

Je me suis réveillée à Reynisfjara, le premier véritable arrêt sur notre trajet. En chemin, nous avions déposé une partie du groupe, qui allait s'aventurer sur un glacier. Le reste d'entre nous vulgaires mortels pauvres, nous nous en tenions au trajet de base.

Reynisfjara, c'est une plage, mais nous n'y allions pas pour prendre un bain de soleil. (Quel soleil? À 11h15, il faisait clair, mais on ne pouvait toujours pas repérer le soleil dans le ciel.) L'attrait de cet endroit, c'est son sable noir.

Plus on s'approche, plus on se fait mitrailler d'avertissements, intégrés dans chaque affiche descriptive de ce lieu touristique.

Sneaker waves.

Never turn your back to the water.

Watch out.

Habituée aux avertissements exagérés destinés aux touristes à l'intelligence particulièrement limitée, je n'y ai pas porté attention.

Il faisait froid, et le vent s'infiltrait dans les craques de mon foulard. Le temps n'était pas à la baignade, mais le paysage se prêtait bien aux selfies. Les touristes faisaient preuve de créativité pour se trouver un spot magique, pour avoir le background parfait, sans photobombing de la part des autres touristes. En jeune voyageuse seule et à l'air pas trop menaçant, je me suis souvent fait demander par des inconnus si je pouvais les prendre en photo.

J'ai vu quelques personnes s'éloigner à quelques mètres, longer la falaise pour ensuite atteindre une autre partie de la plage que je pouvais entrapercevoir d'où j'étais. Elle paraissait plus tranquille. J'ai suivi.

Au passage, je n'ai pu m'empêcher de constater que les murs de la falaise étaient mouillés, tout comme le sol sous mes pieds. Le passage vers l'autre partie de la plage était plus étroit, et nous forçait à nous approcher des vagues ravageuses. Ces dernières, toutefois, se tenaient à quelques mètres de distance. La marée, peut-être?

De l'autre côté, un affaissement dans la falaise formait une sorte de grotte peu profonde. Quelques touristes s'y prenaient en photo, mais déjà, il y avait moins foule. J'ai pris plusieurs photos, de chaque angle possible.

Du coin de l'oeil, j'ai vu une vague s'approcher. Les vagues étaient agressives, violentes, et se succédaient frénétiquement. On cessait de les remarquer après un temps. J'ai toutefois détourné le regard de mon téléphone lorsque, du coin de l'oeil toujours, j'ai vu la vague dépasser le point où toutes les précédents s'étaient auparavant arrêtées. Cette langue d'eau blanchie par son fracas au sol continuait de monter, monter, monter, jusqu'à mes pieds. 

J'ai pris mes jambes à mon cou, tout comme 5 ou 6 autres touristes près de moi, pour semer la vague. Après peut-être un mètre ou deux, la vague s'est enfin arrêtée, puis s'est retirée doucement.

Sneaker waves.

Never turn your back to the water.

Watch out.

Chapitre 14: Interlude en Islande
Chapitre 14: Interlude en Islande

*

L'arrêt suivant fut à Vik, un petit village de pêcheur, maintenant un arrêt populaire pour les voyageurs de la côte du sud. C'est un petit village avec un centre d'achat, donc.

C'était notre arrêt dîner, mais puisque j'avais déjà mangé dans l'autobus le sandwich que je m'étais apporté pour la journée, j'ai profité de notre heure d'arrêt pour aller marcher sur la plage, et prendre plus de photos des rochers en mers.

Ces rochers ont bien sûr une histoire dans le folklore islandais. Ce serait des trolls qui se sont aventurés en mer la nuit, avec leur bateau à trois voiles. Malheureusement, ils n'ont pas pu regagner l'ombre avant le lever du soleil, et ces créatures mythiques (ainsi que leur bateau) ont été métamorphosées en pierre, à tout jamais.

Je voulais ensuite essayer de marcher jusqu'à la petite église au sommet de la colline, mais mon sandwich (que je n'avais pas eu l'occasion de réfrigérer la veille) venait d'atteindre sa destination dans mon système digestif.

Je suis repassée par les toilettes, pas à la course, mais en marche rapide, disons.

Chapitre 14: Interlude en Islande
Chapitre 14: Interlude en Islande

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Après Vik, nous sommes repassés près du glacier pour ramasser nos camarades qui y avaient terminé leur expédition. Cette fois, nous avions du temps pour aller voir le glacier et le prendre en photo.

La guide nous a montré le chemin. Elle nous a expliqué que, il fut un temps, le glacier commençait là où le stationnement se trouve maintenant. Nous avons dû marcher 15 minutes pour aller le voir.

Je suis quelqu'un qui voyage plutôt souvent. Ces moments d'émerveillement enfantin, le genre où je dois m'arrêter pour apprécier ce qui se présente à moi, je n'en ai plus souvent. Il faut dire que je visite principalement des grandes villes, où je me retrouve parfois impressionnée par un bâtiment particulièrement grandiose, ou une oeuvre légendaire dans un musée, ou bien une vue spectaculaire du haut d'une cathédrale, mais sinon, le paysage urbain en vient à se ressembler un peu, de ville en ville.

L'Islande, c'est tout autre chose. Lorsque l'immense glacier a finalement émergé devant nos yeux, au tournant du sentier, j'avais de nouveau 16 ans, et je voyais pour la première fois les pyramides de Chichen Itza au Mexique. J'avais 19 ans, et je levais les yeux sur les terrasses de riz de Guilin, en Chine. J'avais 24 ans, et j'apercevais le soleil se lever sur les ruines de Machu Picchu au Pérou. 

L'an dernier, j'avais vu un film avec ma colocataire Véronique, à Québec. Un film norvégien, si je me souviens bien. Du style catastrophe: un tremblement de terre cause un tsunami qui menace d'engloutir un petit village côtier, un homme tente de sauver sa famille. L'histoire était clichée, mais le paysage du film m'avait marquée: toutes ces montagnes autour d'un fjord paisible, jusqu'à ce que l'immense vague n'émerge violemment d'entre ces montagnes à l'allure rigide.

Le glacier, c'était un peu comme si cette vague s'était soudainement solidifiée, gelée en l'espace de quelques secondes. Un énorme morceau de glace bleue émergeait d'entre les montagnes, s'élançait dans notre direction, puis s'arrêtait subitement. S'ensuivait le contraste d'un cours d'eau étrangement paisible, entrecoupé de grands morceaux de glace grossièrement découpés, tranchant la surface de l'eau de leurs pointes bleutées. 

Comme un avertissement fantomatique. Un rappel de la fragilité actuelle d'une puissance de la nature à l'allure indestructible. Une force dévastatrice elle-même détruite par le temps, et les changements climatiques. Un centimètre à la fois.

J'ai dû m'arracher à ma contemplation pour ne pas rater le départ de mon bus.

Chapitre 14: Interlude en Islande
Chapitre 14: Interlude en Islande

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Le reste du parcours comprenait deux autres chutes: Skógafoss et Seljalandsfoss. À la première, on pouvait gravir un (interminable) escalier pour prendre des photos d'en haut. La guide nous avait averti que la meilleure vue était d'en bas.

"You can go up if you want, but don't feel bad if you don't."

Je suis têtue, alors je suis montée. De peine et de misère.

En haut, un petit sentier semblait continuer indéfiniment le long de la rivière. J'ai tenté de le suivre pendant un temps, mais j'ai rapidement dû faire demi-tour. Le bus allait bientôt partir. C'était la course pour arriver à la dernière chute avant le coucher du soleil.

(Ne serait-ce pas dramatique, si nous ne pouvions pas prendre de belles photos? S'il n'y a pas de preuves sur Facebook, l'a-t-on vraiment visité?)

À la deuxième chute, l'attrait principal était de pouvoir marcher derrière la chute.

Encore une fois, la guide avait quelques mots rassurants. "You can go behind if you want, but you know, it's been raining, it's slippery and muddy. You don't have to do it."

I DO WHAT I WANT.

Je suis revenue détrempée et gelée. Et sans belles photos, car il faisait déjà trop sombre pour mon pauvre iphone.

Mais la vue, elle, avait été impressionnante. L'oeil humain, parait-il, demeure plus performant que la caméra d'un iphone.

Eh bien.

Chapitre 14: Interlude en Islande
Chapitre 14: Interlude en Islande
Chapitre 14: Interlude en Islande
Chapitre 14: Interlude en Islande

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Nous sommes revenus à Reykjavik vers 20h.

Je n'avais plus l'énergie d'aller au centre-ville m'acheter quelque chose à manger. Tout ce qu'il y avait proche de l'auberge, c'était une station service. Ça a fait l'affaire.

Je me suis acheté deux sandwichs, un pour mon souper, et l'autre pour mon dîner du lendemain. Celui que j'ai mangé pour souper était infecte, ça s'annonçait bien pour le dîner du lendemain.

J'ai passé le reste de la soirée dans mon lit, épuisée.

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Chapitre 14: Interlude en Islande
Chapitre 14: Interlude en Islande

La dernière journée, j'avais prévu mon activité la plus relaxante, mais aussi la plus dispendieuse. (Ouch.)

Le Blue Lagoon. Un spa géothermique très populaire auprès des touristes, et un peu moins auprès des Islandais, en raison du prix. Si ce n'avait été de la chaude recommandation de mon Islandaise honorifique préférée (aka, la coloc qui y est allée approximativement 472 fois), je ne me serais pas rendue plus loin que la page du paiement sur le site web.

La seconde où j'ai posé mon pied nu su la véranda en bois mouillée dehors, je me suis dit, "J'ai commis une terrible erreur." Je ne voulais plus, est-ce qu'on pouvait faire demi-tour?

J'ai pratiquement lancé ma serviette sur un crochet et je me suis avancée vers l'eau le plus rapidement que possible sans glisser et me faire mal (et donc devoir rester plus longtemps au froid, le temps que les secours arrivent).

La seconde où je me suis retrouvée dans l'eau chaude, toutes mes inquiétudes se sont évaporées, et soudainement, le prix s'est justifié.

Aaah, oui, je pouvais bien passer quelques heures ici.

*

Je suis restée au Blue Lagoon environ cinq heures, ce qui est beaucoup plus que la moyenne, mais au prix que ça avait coûté, il fallait bien rentabiliser le tout.

Il aurait été moins cher de venir en soirée, mais je n'aurais pu profiter des lieux que pendant une heure. Il s'avérait plus rentable d'arriver tôt et rester longtemps.

Et par "tôt," je veux bien sûr dire midi. À cette heure-là, le soleil était levé, mais on ne le voyait pas encore émerger de derrière les montagnes. C'était un éternel lever de soleil comme paysage, et avec la vapeur qui s'élevait de l'eau et qui flottait tout autour de nous, on avait l'impression d'avoir mis les pieds dans un livre de J. R. R. Tolkien. Mais sans les elfes et les trolls.

(Quoi que... ?)

Avec mon bracelet, j'avais droit à un masque facial gratuit, et un breuvage gratuit. Le bar à masques, auquel on pouvait se servir soi-même, était accessible dans l'eau, et de même pour le vrai bar, pour les breuvages. Jamais besoin de quitter l'eau chaude (sauf pour prendre des petites pauses, quand ça montait à la tête). Le bar était conçu de façon à ce que les employés étaient au sec (et au froid, malheureusement), et les clients dans l'eau, tout en demeurant à la même hauteur.

Tout autour du site, des sauveteurs bien emmitouflés surveillaient les lieux. Quel emploi merdique: se les geler toute la journée, tout en regardant des gens se la couler douce à la chaleur.

Quand je suis sortie vers 17h, j'étais toute ratatinée, et ma peau avait une drôle de texture, en raison des minéraux. Mais les muscles, eux, étaient relax comme ils ne l'avaient pas été depuis longtemps, bien avant que je n'intègre le monde des études de deuxième cycle à l'université.

*

De retour à Reykjavik, je n'étais certainement pas aussi épuisée que les autres jours. J'avais, après tout, passé ma journée à relaxer dans de l'eau chaude.

Je suis donc allée marcher. Je suis allée voir la maison de Hofdi, une maison historique qui détonne au milieu de grands immeubles commerciaux et modernes. Cette maison a été habitée par plusieurs personnes connues en Islande à travers le temps, particulièrement des artistes. Elle a été utilisée par l'ambassade britannique, et c'est d'ailleurs pendant le séjour d'un ambassadeur du Royaume-Uni qu'un fantôme a commencé à y être aperçu, parait-il. 

La maison demeure toutefois davantage reconnue pour avoir été le lieu d'une rencontre historique entre le président des États-Unis, Ronald Reagan, et Mikhail Gorbatsjov, leader de l'Union Soviétique. Une rencontre qui aurait mis fin à la guerre froide.

On ne peut la visiter de l'intérieur (donc pas de photos de fantômes!), mais on peut se promener autour, de l'extérieur.

Après avoir pris quelques photos, je suis partie à la recherche d'un restaurant. Je n'avais mangé que des sandwichs et des grignotines pendant mon séjour, puisque le coût de la vie est beaucoup trop cher en Islande. Mais c'était ma dernière journée, il me restait un peu d'argent, et mon sandwich du dîner avait été aussi infecte que prévu.

J'allais me gâter.

Je me suis arrêtée dans un restaurant thaïlandais. J'avais hésité à chercher un restaurant islandais plus typique, pour essayer un de leurs plats d'agneau reconnus, mais je ne voulais malgré tout pas trop dépenser. La nourriture asiatique se révélait un bon compromis. Un repas chaud, épicé et accompagné de vin aura bien ponctué un séjour très spécial. J'ai pris mon temps pour le savourer.

Après avoir mangé, j'ai continué de marcher sans but précis. À cette heure, vers 21h, beaucoup de commerces étaient de nouveau fermés, mais quelques magasins demeuraient ouverts, et je m'arrêtais ici et là pour faire du lèche-vitrine. 

Je me suis arrêtée à un petit restaurant de crêpes et de crème glacée pour dépenser mes 500 dernières ISK (monnaie islandaise). Puis je suis rentrée.

Hofdi House

Hofdi House

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Mon vol était à midi le lendemain. J'ai pris l'autobus à 9:30am pour aller à l'aéroport. Je suis passée très rapidement à la sécurité (j'ai pu constater avec le temps que le rush hour à l'aéroport de Keflavik, c'est à 6h du matin), et j'ai donc profité d'un dernier milkshake chez Joe & the Juice, ce petit restaurant où je m'arrête religieusement à chaque passage à cet aéroport.

Le retour s'est effectué avec Norwegian Air, une compagnie beaucoup plus agréable que WOW Air. (Bien que, peut-être est-ce simplement parce que le vol n'était pas du tout plein, et j'avais donc de l'espace pour m'étaler et être confortable.)

Je n'ai pas dormi, mais j'ai rentabilisé le temps en commençant à rédiger cet article de blog.

Le lendemain à 9h, ce serait le retour à l'école, le retour à la réalité.

Soupir.

Rédigé par la-grande-fugue

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