Chapitre 2: La formation

Publié le 15 Août 2019

Chapitre 2: La formation

Jour 1, vendredi.

Le premier jour de la semaine de formation est une journée stressante. Particulièrement pour Anne-Marie, qui a engagé tous ces inconnus et est anxieuse de découvrir si elle a invité des psychopathes à nous rejoindre en Bavière.

Cette année, les Canadiens dominent. Huit canadiens (dont 3 québécois, moi-même incluse), trois Irlandais, trois Américains, deux Anglais, deux Australiennes. Il fut un temps où les Anglais représentaient toujours la majorité, étant plus proches, mais aussi en mesure de travailler n'importe où en Europe sans avoir besoin d'un visa. Effet du Brexit, ou simplement d'une ouverture sur le monde par les Nord-Américains, les temps ont changé.

La veille, jeudi, j'avais déjà rencontré Muireann, qui allait rester chez le beau-frère d'Andrea (qui s'adonne aussi à être son voisin). La plupart des moniteurs arrivent le vendredi matin (la formation commence à midi), mais elle était un peu d'avance, et puisque je n'emménageais chez ma famille d'accueil que le vendredi soir, j'étais encore chez Andrea à son arrivée. Muireann (prononcé Mur-in, si on suit la prononciation anglaise) est Irlandaise. Elle n'avait dormi que quelques heures et était épuisée, mais les quelques minutes que nous avons passées à discuter, le temps qu'Anne-Marie aille cogner chez les voisins pour les avertir de l'arrivée de leur première invitée, elle paraissait drôle et gentille.

Vendredi matin, nous sommes partis tous ensemble, Andrea, Anne-Marie, Tito, Muireann et moi, en direction de la même école où nous avions passé la semaine de formation l'an dernier. Nous sommes arrivés vers 9h30, plus de deux heures trente avant l'heure donnée aux moniteurs, afin de monter tout le matériel, puis préparer la salle. Deux heures avant le début, j'étais donc déjà détrempée par la sueur. Rendu là, ce n'était même plus du foreshadowing. Il fait chaud en Europe ces temps-ci, la semaine de formation est toujours exigeante physiquement. J'allais avoir la peau reluisante et les aisselles puantes toute la semaine.

Vers 11h, les gens ont commencé à arriver. 

Personne ne se connaissait, tout le monde était un peu mal à l'aise, mais faisait de son mieux pour socialiser et paraître dans son élément. À part moi, personne ne savait vraiment à quoi s'attendre.

J'ai rencontré Mary, Australienne, avec qui j'allais partager une famille d'accueil pour la semaine. Mary, j'en avais beaucoup entendu parler dans le courant de la dernière semaine. Pendant notre semaine à Wallerstein, Anne-Marie avait reçu un appel stressant: l'une des monitrices (Mary) avait été arrêtée à Londres, et était retenue en détention à l'aéroport. Quelque chose en lien avec son passeport qui expirait moins de trois mois après sa date de retour prévue. Il fallait traduire des documents de l'allemand vers l'anglais pour lui permettre de sortir, et Anne-Marie était la traductrice officielle de LEOlingo.

Quinze heures plus tard, Mary avait réussi à quitter l'aéroport. Épuisée et énervée, n'ayant plus de larmes dans son corps et ayant migré vers la colère, elle avait récupéré son passeport de force et était sortie. Personne ne l'en avait empêché. Clairement, elle n'était pas si illégale que ça. Elle était allée à une autre aéroport, avait acheté un autre billet d'avion (ayant raté son vol initial vers l'Allemagne) avec une autre compagnie aérienne, qui ne lui a causé aucun problème. Elle a pris l'avion avec eux, est entrée en Allemagne sans problème, ce qui laisse croire que l'aéroport initial n'avait aucune raison valide pour la garder en détention et ainsi lui faire rater son vol. Tout ça pour rien. Une théorie qui circulait depuis était que la compagnie aérienne qui lui avait confisqué son passeport avait accepté trop de réservations sur le vol (ce qu'on appelle le overbooking), et était à la recherche d'une excuse pour éliminer des passagers.

Moi: "I heard you had trouble in London."

Mary: "Oh so you heard about that, huh."

Ça représentait un bon sujet pour briser la glace.

*

Vers midi trente, nous avons été appelés à nous asseoir, puis nous avons commencé.

Assis en cercle, nous avons observé Anne-Marie nous annoncer avec entrain que nous partions en voyage: en camping! Elle avait pensé à tout: la tente, la nourriture, l'eau...

Mais OH NON! Elle avait oublié quelque chose de crucial: le papier toilette! Elle a donc sorti un rouleau de son sac, et nous à tous invités à prendre la quantité dont nous pensions avoir besoin pour deux jours de camping.

Clairement, je connaissais l'activité, donc j'ai été conservatrice: trois feuilles de papier, ça suffisait. Il y a toujours une ou deux personnes qui n'ont aucune idée et en prennent au-delà de quinze. Cette année, ce fut Emily, aussi Canadienne. Elle avait la grippe et se pensait stratégique.

Anne-Marie: "NOW! I'm sorry to say, we are not really going camping. Tito, how many sheets of toilet paper do you have?"

Tito: "Four."

Anne-Marie: "Four! Then, Tito, can you tell me FOUR fun facts about you?"

Emily, baissant les yeux vers ses 19 feuilles de papier: "Oh no."

*

Anne-Marie: "CAROLINE, how many sheets of toilet paper do YOU have?"

Moi: "Three!"

Anne-Marie: "THREE! Clearly, that one has played this game before! Can you tell us three facts about yourself?"

Moi: "I am a Canadian who has never skiied."

Tous les Canadiens s'indignent.

Moi: "I have a Master's Degree."

Tout le monde laisse un "ooh" impressionné. 

(Peut-être en levant les yeux au ciel. 'Regarde l'autre qui se la pète.')

Moi: "And I wrote an entire Master's Thesis about comic books. Which means that, no, the glasses are not just for show. I am a real nerd."

Rire incertain dans le public. J'ai tu le droit de rire sans être offensant?

*

Pendant la première heure, nous avons passé au travers de plusieurs jeux avec Anne-Marie et Tito. Et alors que le groupe commençait à prendre le beat, la révélation est arrivée.

"Now it's your turn! We will assign you activities in the handbook, and you will explain them to us!"

All hell breaks loose. Le niveau de stress grimpe au plafond.

Pendant ce temps, je sippe mon thé.

*

Les autres préparaient leurs activités en équipes de deux, mais moi, ils ne voulaient pas que je sois trop à l'aise, alors j'étais seule. 

Ils m'ont fait passer en premier, mais dans un sens, c'était mieux comme ça. Tu ne sais jamais d'avance quand sera ton tour, et même si tu connais ton jeu ou ta chanson par coeur après le temps de préparation, parfois le fait de participer aux activités des autres entre temps suffit à faire oublier. Après, j'ai pu profiter des jeux des autres.

À la fin de la journée, tout le monde était brûlé. Les familles d'accueil sont venues nous chercher, et nous étions soulagés de nous diriger dans la direction générale d'un lit.

Mary et moi avons rencontré notre mère d'accueil: Cati. En me voyant, elle a froncé les sourcils. Je lui paraissais familière.

En effet, nous nous étions déjà vues l'an dernier. Elle avait été la famille d'accueil de Marisa, monitrice canadienne dans l'équipe de l'an dernier. J'avais été avec une autre famille d'accueil, mais nous nous étions croisés à quelques reprises ici et là. Cati m'avait paru être une femme très gentille et accueillante. Le seul pépin que Marisa avait eu l'an dernier avait été que la famille n'avait pas de wifi, ce qui est difficile pour quelqu'un qui n'est pas Européen, et n'a donc pas de données sur son téléphone (à moins de payer un montant peu recommandable).

Cette année, ils avaient du wifi, alors tout allait bien.

Et ma première impression de Cati s'est révélée vraie: une hôtesse parfaite. Nous avons trop mangé, bien bu, et avions tout ce dont nous pouvions avoir besoin, et même plus. Elle a refusé que je fasse mon lit moi-même et s'est excusé mille fois de ne pas avoir eu le temps de le faire avant notre arrivée. Elle avait délogé son fils pour la semaine afin que Mary et moi puissions avoir chacune notre chambre. Nous lui avons assuré que partager un lit était parfaitement acceptable, mais elle n'a rien voulu entendre.

Nous ne nous sommes pas couchées trop tard ce soir-là, mais pas avant d'avoir chacune reçu une énorme bouteille d'eau pour la nuit.

*

Jour 2, Samedi.

Nous commencions à 8h le matin. 

C'est aussi ce matin-là que Mary et moi avons découvert le seul défaut de Cati: elle n'est pas ponctuelle. (Incroyable, en Allemagne, je sais!) Nous sommes donc arrivées un peu en retard à l'école, mais puisqu'il fallait déplacer tout le matériel d'une salle à l'autre avant de commencer la journée, ça n'a pas trop paru.

Et puis, il était impossible d'en vouloir à Cati. Pour le déjeuner, elle s'était pliée en quatre pour s'assurer que nous mangions suffisamment, et nous avait même préparé une collation à emporter. Nous ne savions plus comment lui dire que nous étions correctes. Une maman poule dans l'âme, même avec deux jeunes femmes de 23 et 28 ans.

La deuxième journée a vu la poursuite des présentations d'activités, avec un certain focus sur les sports. Nous avons joué à Captain Ball, Capture the Flag, Hockey, Lacrosse, Gaelic Football, Cricket, Baseball, Kickball, Rugby, et bien d'autres. 

Sur l'heure du dîner, j'étais déjà couverte de bleus. Pendant notre partie de Capture the flag, j'avais vu une ouverture et je m'étais mise à courir pour aller voler un drapeau à l'autre équipe. J'avais l'oeil sur la récompense, et je courais à toutes jambes; ce n'est qu'à la dernière minute que j'ai aperçu la silhouette de Nick (Angleterre), s'approcher à toute vitesse.

Nous nous sommes heurtés de plein fouet. Nick est grand, assez fort, il est resté bien ancré sur ses pieds.

Pas moi. J'ai heurté le sol avec la grâce d'un éléphant en patins à roulettes et j'ai été un peu sonnée, l'espace de quelques secondes. André (Canadien, mais étonnamment pas Québécois, malgré le prénom), qui était dans mon équipe et s'enfuyait victorieux avec un drapeau dans les mains, s'est arrêté pour s'assurer que j'étais encore en possession de mes moyens.

Mais moi, j'avais les priorités à la bonne place.

"I'M OK, RUN! RUUUUN, André!"

On a gagné la partie.

Et je passerais le reste de la semaine avec une fesse noire et mauve.

*

À chaque année, après avoir travaillé avec des jeunes, je me dis: "Bon, enfin, je suis cool, je connais les memes et tendances des jeunes, I'm in!"

 Et puis, à chaque fois, il y a ce moment...

Une personne quelconque: "Everybody! Hit the woah!"

Et pendant que je suis occupée à déchiffrer ce qu'il vient de dire, tout le monde se met à faire un petit mouvement à l'unisson autour de moi, et puis ils éclatent de rire.

Et moi, je n'y comprends rien.

Oh, man.

Actual footage of me trying to understand today's youth.

Actual footage of me trying to understand today's youth.

*

À plusieurs reprises, des moniteurs se sont trompés dans leurs présentations, ou bien ont paru incertains. Quand je les voyais abattus, j'essayais de leur parler pour leur raconter les erreurs et faux pas de l'an dernier. C'est non seulement normal, mais attendu. Ils nous mettent dans des situations où il est extrêmement facile de se planter, car c'est comme ça qu'on apprend. Mieux vaut se planter pendant la formation qu'en vrai.

Mais ça reste difficile, et on sent qu'on se ridiculise devant des collègues qui nous paraissent tellement meilleurs que nous.

C'est ma deuxième année, et donc je connais déjà la plupart des jeux, sports et chansons, mais ça reste stressant, parce que je sens que l'erreur ne m'est pas permise.

Éventuellement, on commence à réaliser qu'on est tous dans le même bateau et on est tous là pour apprendre, mais à la deuxième journée, on a encore tendance à croire qu'on est sous évaluation et que tout le monde nous juge en secret.

Et quand on est introverti, timide et insécure comme moi-même, et qu'on se retrouve entouré de personnes en apparences confiantes, extroverties et sociables, c'est parfois particulièrement difficile à surmonter. 

L'an dernier, j'avais la chance d'avoir une 'colocataire' (avec qui je partageais une famille d'accueil) qui avait une personnalité similaire à la mienne, et donc on se rassurait mutuellement le soir. (Malheureusement, elle avait démissionné avant la fin de la formation, mais on avait quand même pu s'entraider le temps qu'elle était là.) Cette année, j'ai la chance d'avoir déjà passé au travers de tout ça, donc j'arrive à m'auto-rassurer. Et bien sûr, j'ai aussi Mary, avec qui je peux tisser des liens dans des contextes plus personnels à la maison. Ça nous fait une alliée en tout temps, facile à torturer quand on a besoin d'un exemple dans nos activités.

(J'avoue être un peu surprise qu'elle m'aime encore, après toutes les fois où je l'ai choisie comme victime.)

Bref, même après toutes ces expériences de voyages, d'études et de travail à l'étranger, l'intégration à un nouvel environnement, un nouveau groupe de personnes ou simplement un nouveau contexte ne devient pas automatiquement plus simple.

Ça prend de la patience.

*

Samedi soir était le party de bienvenue. Comme l'an dernier, il s'agissait d'un barbeque chez Andrea.

Beaucoup de saucisses et de steak, avec un peu de salade; et Tobi, le mari d'Andrea, qui insiste pour nous resservir de la viande jusqu'à ce qu'on éclate.

Nous avons mangé, bu, chanté des chansons autour du feu.

Vers 23h, les familles d'accueil venaient nous chercher. La famille d'accueil de Mary et moi, ainsi que celle de Paul (Irlandais), sont amis. Hooman, qui héberge Paul, nous a reconduits tous les trois à la fête dans sa voiture de sport (qui, tel qu'il a cru bon de nous prouver, peut effectivement atteindre une vitesse assez fulgurante en quelques secondes à peine). Catie venait ensuite nous chercher à la fin.

Une fois à la maison, nous nous sommes endormies assez vite.

La journée avait été longue.

*

Jour 3: Dimanche

Nous étions maintenant plutôt habitués au rythme des journées de formation, alors malgré tous les jeux au travers desquels nous sommes passés en 9 heures, la journée s'est déroulée de façon plus relax. Nous étions plus à l'aise les uns avec les autres, et moins souvent pris par surprise par les tâches qui nous étaient attribuées.

Le lendemain, nous allions commencer à travailler avec de vrais groupes d'enfants, pour solidifier la théorie apprise dans les trois derniers jours. Lors des vrais camps, nous serions un moniteur par groupe de 12 enfants, mais lors de la formation, ils nous mettaient en équipes de deux. Ceci dit, il y avait un groupe d'enfants en trop, ce qui voulait dire que deux personnes auraient à travailler seules.

Étant à ma deuxième année, j'étais persuadée que j'allais avoir un groupe à moi seule. L'an dernier, ça avait été le cas avec Tevin, qui était le "returner" de cette année-là. Quelle fut donc ma surprise lorsque Claire et Laura, deux nouvelles (mais avec de l'expérience de monitrice déjà), ont été nommées comme étant seules avec leurs groupes d'enfants.

J'ai compris pourquoi lorsqu'ils ont commencé à annoncer qui travaillerait avec les ados.

On sait déjà que je m'en sors assez bien avec les jeunes enfants. J'ai un peu de mal avec la discipline, mais je n'ai pas trop de mal à connecter avec eux. Avoir un groupe d'enfants à moi seule pendant la formation n'aurait pas nécessairement été facile (on sait, grâce à l'an dernier, que les enfants de la semaine de formation ont tendance à être particulièrement difficiles à gérer), mais apparemment, ce n'était pas un défi à la hauteur de leurs attentes.

Ils m'ont donc assignée aux ados. Mais puisqu'ils n'étaient pas assez méchants pour me laisser seule avec des ados, ils m'ont mise en équipe avec Carl, qui est aussi québécois, et surtout, est un gars cool. Si j'avais du mal à connecter avec les gars du groupe, j'aurais Carl pour les gagner à ma place. (Idéalement, je les gagnerais par moi-même, mais on sait que ce n'est pas toujours évident pour une fille petite et à lunettes. Je pourrais essayer d'être cool par association.)

Carl et moi avons planifié notre journée du lendemain ensemble. Tous les deux plutôt flexibles, ça s'est fait assez facilement.

J'ai dû quitter rapidement à 18h car Cati était déjà là, et attendait Mary, Paul et moi pour aller à un Barbeque organisé avec la famille d'accueil de Paul. Carl s'est porté volontaire pour aller préparer notre salle pour le lendemain. Sur cette entente, nous nous sommes souhaité à demain.

*

C'était dimanche soir et nous devions être à l'école à 7h30 le lendemain, alors clairement, nous n'avions pas l'intention de faire des folies ce soir-là.

Parfois, les intentions n'ont pas grande importance.

Ça a commencé à mal virer quand Hooman est arrivé avec le uzo, un alcool grec assez fort pour déboucher le nez d'un grand malade. J'ai fait preuve de stratégie en buvant mon "shot" très lentement (il ne pouvait pas remplir mon verre tant qu'il n'était pas vide). Mary, malheureusement, s'est comportée en invitée modèle en buvant tout d'un coup, tel que recommandé par Hooman. Et chaque fois que le verre était vide... il ne l'était pas longtemps, avec Hooman dans les parages.

Pendant que je m'endormais au-dessus de mon assiette, après une fin de semaine d'activité physique non-stop, Mary jouait au soccer avec les enfants, puis chantait des chansons de camp, et plus tard, après avoir mis la main sur un livre d'images et traductions anglais-allemand pour enfants, s'est retrouvée à mener un test oral d'anglais avec les parents, pour voir qui aurait le plus de points.

Vers 22h30, je dormais pratiquement sur la table, pendant que Mary s'inventait des talents de pianistes avec Christian, le mari de Cati. Cette dernière a finalement vu ma détresse, et a jugé qu'il était bon de rentrer.

Il fallait encore préparer quelques trucs pour le lendemain, alors je me suis couchée vers minuit, complètement brûlée.

*

Jour 4: Lundi

J'avais passé la nuit à rêver que je me faisais tourmenter par des ados cruels. Je me suis réveillée vers 6h30, pas trop sûre d'être prête à affronter la journée.

Tous les autres jours, nous étions arrivés un peu en retard le matin, mais ce matin-là, nous étions à l'heure. Nous nous étions arrangées avec Catie pour arriver à 7h15 à l'école, pour être sûres.

Je n'avais donc pas à ajouter le stress d'un retard au stress de travailler avec des ados de nouveau, sous la supervision de mes supérieurs, qui analyseraient chaque décision, chaque faux pas, chaque présentation, pour plus tard présenter du feedback détaillé sur notre performance. L'objectif était ici d'apprendre de nos erreurs, mais en tant que "returner", je sentais que tout faux pas de ma part serait mal vu.

À 7h50, Carl et moi avons gravi les escaliers, pour aller rencontrer notre groupe, dont certains nous attendaient déjà dans la classe.

*

La première activité a été un gros malaise.

Ce qui est plaisant avec les ados, c'est que leur niveau d'anglais est plus avancé que celui des jeunes enfants, ce qui veut dire qu'on peut se permettre de jouer à des jeux plus complexes. Mes jeux préférés, ce sont ceux qui ne peuvent être joués qu'avec les plus vieux.

C'est juste dommage que le public cible de mes jeux préférés soit en général aussi intéressé par le prospect de jouer qu'un chat à qui on présente une orange.

Le premier jeu était une activité pour apprendre les noms, où chaque personne doit combiner son nom avec un adjectif qui commence par le même son (Kickass Caroline, Karate Carl, etc.), mais aussi réciter tous les noms et adjectifs des personnes précédentes. Ils étaient sans imagination, il fallait pratiquement leur servir un adjectif sur un plateau d'argent à chaque fois (Cool Kathleen? Cute Cara? Intelligent Ivan? Energetic Emy?), parce qu'ils étaient prêts à nous fixer d'un regard sans vie jusqu'à ce qu'on se tanne. Ils étaient timides, murmuraient leurs récitations, et l'une des filles étaient littéralement cachée derrière son amie pourtant plus petite d'une tête.

Tout de suite, je me suis dit merde, c'est mal parti.

Carl a enchaîné avec l'activité du papier de toilette, où chaque personne en prend une quantité de son choix pour un hypothétique voyage de camping,  puis dois ensuite donner autant d'informations sur sa propre personne qu'il n'a de feuilles de papier toilette.

Avec ça, on a commencé à les sentir relaxer un peu. Plusieurs de nos jeunes jouaient au Basketball, et quand ils ont su que Carl jouait aussi, ça a cliqué pas mal automatiquement.

Moi, j'étais juste contente d'être cool par association.

*

Lors d'une activité à l'extérieur, je traçais une grille de tic tac toe sur le sol de la cour arrière pendant que Carl commençait à diviser les équipes. J'ai manqué de craie à mi-chemin et je devais aller en chercher à l'intérieur, alors j'ai soufflé à Carl de "staller" le processus un peu.

J'ai su plus tard comment il avait choisi d'étirer la sauce.

Normalement, on place les jeunes en ligne et on leur attribue le chiffre un ou deux, en alternance. Les numéros un forment une équipe, les numéros deux, une autre. Simple, rapide, efficace.

Carl, pour prendre son temps, s'est mis à évaluer chaque jeune de façon approfondie.

"Hmmm... you are ONE BIG BOY, so you are a one!" Et puis: "Hmmm... you have TWO BIG EYES, so you are a two!"

Plus tard, pendant la pause, Anne-Marie, qui nous avait observés à ce moment-là, est venue dire à Carl qu'il était tellement cool, et qu'elle aussi, elle voulait savoir si elle était une "un" ou une "deux".

"Good job," elle nous a dit.

Encore là, j'étais juste contente d'être cool par association.

*

Dans certains contextes, on pourrait facilement ressentir de la frustration, à travailler avec quelqu'un pour qui ce travail semble si naturel. Quelqu'un que les ados admirent aussitôt, et écoutent presque religieusement. Tu peux dire à tes ados de retirer leurs bas une douzaine de fois (pour respecter les règles du gymnase, où il faut être nu pieds), et ils protesteront sans relâche, mais il s'agit que Carl arrive pied nu et lance un "come on my dudes, socks off" et pif paf pouf, socks are off.

Mais avec Carl, c'est impossible de ressentir l'injustice ou l'insécurité autrement facilement envahissantes. Dans sa coolitude, il demeure un leader positif.

Pendant une pause, un jeune est venu offrir un muffin à Carl. Sur un ton de blague, j'ai répliqué "Et il est où, mon muffin, moi?"

Et aussitôt, Carl me répondait: "Yo, it's your muffin too. Where I go, you go."

Oh my god STAHP. Je vais rougir comme un ado quand Carl lui dit que sa calotte est cool.

*

Notre premier matin s'est en général assez bien déroulé. Notre groupe était plutôt facile. Un peu timide, mais sans gros problème d'attitude.

Il y avait trois groupes d'ados en tout, donc six moniteurs avaient la chance de travailler avec eux. Les quatre autres semblaient avoir connu un plus long processus pour gagner le coeur de leurs jeunes, mais à la fin de cette première matinée, ils les avaient dans la poche.

Les groupes d'enfants de 3e année, c'était autre chose. Quelques moniteurs semblaient satisfaits à la fin, mais la plupart semblaient troublés, incertains, ou carrément terrifiés en vue du deuxième jour qu'il fallait déjà prévoir. Les deux chanceuses qui avaient un groupe à elles seules étaient soit détrempées de sueur ou plutôt débinées. 

Pendant la séance de feedback, on voyait que certaines personnes avaient eu une très mauvaise journée et se voyaient pas mal démontées. Ça m'a rappelé ma propre personne à la formation de l'an dernier, après ma journée de merde avec mon groupe de l'enfer. Je leur ai expliqué que j'avais vécu la même chose l'an dernier, ça a semblé les rassurer un peu.

(Ça, ou bien ils souriaient poliment en se disant "de quoi elle se mêle, elle?" Mais bon. On fait ce qu'on peut.)

Après le feedback, nous avons eu du temps en groupe pour discuter des idées qui nous venaient pour gérer les problèmes de comportement.

Carl a tout de suite apporté son grain de sel: "You just need to be the coolest person in the room. When you're cooler than them, they respect you."

Petit moment de silence. Puis Muireann de s'exclamer: "O-kay, Carl, we can't all just be you!"

La personne en possession du crayon à ce moment à écrit sur notre feuille de brainstorm "Be Carl" et, en retrait, on entendait le murmure de Muireann: "He just made them take off their socks so fast!"

*

Carl et moi nous sommes révélés former une bonne équipe. Il était la coolitude, j'étais l'expérience, si on se permet de stéréotyper et généraliser. (C'est bien évidemment plus complexe que ça en réalité.)

Il a une grosse voix qui se fait bien entendre et il sait connecter avec les jeunes avec qui j'ai normalement du mal. De mon côté, je connecte bien avec les timides, et quand on doit spontanément adapter notre programmation pour une quelconque raison, je peux utiliser mon expérience pour déterminer ce qui serait la meilleure option.

À quelques moments, on s'est marché sur les pieds, à essayer d'intervenir dans les activités de l'autre, mais on a vite réalisé que ça devenait plus confus quand il y avait deux voix qui expliquaient la même chose. On s'en est parlé pendant la pause, et par après, on a su se supporter plus efficacement.

Pendant la période de feedback, Anne-Marie a passé un commentaire sur cette même observation. On lui a dit qu'on l'avait remarqué, on s'en était parlé, et tout était beau.

Anne-Marie: "Oh, great team work, then!"

Fist bump entre Carl et moi.

*

En après-midi, après le départ des jeunes, on a poursuivi notre formation intensive pour apprendre de nouvelles activités pour le lendemain.

Vers 18h, après avoir planifié notre matin du lendemain avec nos partenaires, nous sommes allés à un Biergarden (traduction littérale: jardin de bière; un genre de pub-resto mais à l'air libre, qui est très populaire en Allemagne. Il y en a partout. Même dans une petite ville de 40 000 habitants comme Neumarkt, il y en a 3.) Nous l'avions bien mérité.

Ce n'est pas tout le monde qui y est allé, mais je me suis botté le derrière pour sortir et socialiser malgré la fatigue. Mary, de son côté, avait commencé à développer des symptômes de la grippe qui circulait dans notre groupe depuis le début de la formation, alors elle est rentrée dormir à la maison.

Je suis revenue avec Paul, puisque son père d'accueil était le chauffeur désigné ce soir-là. Il était passé 23h quand je suis arrivée à la maison, et j'avais encore de la planification à faire pour le lendemain.

Je me suis couchée vers minuit.

*

 

Jour 6: Mardi

7h30 à l'école.

7h55 avec les ados.

La deuxième journée s'est mieux déroulée pour tout le monde, bien que Carl et moi sentions que l'énergie de notre groupe était un peu plus basse que la veille.

Je sentais aussi que ma coolitude-par-association commençait à moins bien marcher avec les garçons du groupe, mais tant que je travaillais en tandem avec Carl, ils toléraient ma nerditude.

Étrangement, les groupes les plus problématiques étaient tous des groupes de 3e année. Les six moniteurs qui travaillaient avec des ados trouvaient que ça allait assez bien. Un peu d'attitude ici et là, mais les moniteurs avaient réussi à les apprivoiser. 

À la fin de la journée, nous avions une soirée thématique à l'école d'où provenaient les plus jeunes enfants de nos groupes de formation. Une soirée Bavaroise, où nos familles d'accueil étaient aussi invitées.

Comme l'an dernier, nous avons mangé du Leberkäse, qui se traduit littéralement par "foie" (leber) et "fromage" (käse). Mais il ne s'agit en réalité ni de foie, ni de fromage. C'est une sorte de viande dont la texture fait un peu penser au SPAM, cette viande douteuse vendue en cannes en Amérique. L'an dernier, nous en avions été traumatisés, car les portions étaient immenses et personne n'avait su finir son énorme steak de SPAM. (Pendant ce temps, les végétariens avaient dégusté une délicieuse lasagne aux légumes.) 

Cette année, les cuisiniers avaient pris ce qu'on appelle une chill pill (une pilule de calme-toi dont les cr*ss de nerfs) et nous avaient servi des portions beaucoup plus raisonnables, ce qui rendait le plat étrangement meilleur. Le ratio viande - salade de patates était plus logique, et on s'écoeurait moins du faux-SPAM.

Dans le courant de la soirée, nous avons eu droit à un petit spectacle de cirque, mais aussi à une performance de la part d'Anne-Marie, Tito et Andrea: une version réécrite de Barbie Girl.

You're a counsellor, in Bavariaaa

Suite à cette performance époustouflante, Cati a proposé à Mary et moi de rentrer (non non, pas à cause des fausses notes de nos trois formateurs, juste par fatigue, c'est promis!), et nous avons accepté sans hésitation.

Pour la première fois en plusieurs jours, je me suis couchée tôt.

*

Jour 7: mercredi

Avec le recul, je suis satisfaite de ma dernière journée avec nos ados. Je n'étais peut-être pas cool à leurs yeux, mais j'ai eu de bons moments avec eux. J'avais réussi à les faire rire, et à connecter avec certains.

Lors de notre petit spectacle devant Anne-Marie, Tito et Andrea, notre groupe à Carl et à moi a gagné le prix du meilleur sketch. J'ai mes défauts et mes faiblesses, mais la portion théâtre du programme de LEOlingo, ça reste ma force. En deux ans, je n'ai jamais eu un groupe qui n'a pas gagné la compétition de théâtre.

I'm just sayin'.

Et avec ça, on va essayer d'oublier le fait que, lors de notre chanson à répondre, j'ai oublié les paroles et ça a pris dix bonnes secondes de silence avant que je les retrouve.

Mais ça, on en parlera pas.

*

Une fois les jeunes partis pour de bon, nous avions un autre après-midi de formation régulière. J'étais satisfaite de notre temps avec les jeunes, mais lorsque la dernière cloche a sonné et qu'ils sont partis, c'est comme si l'adrénaline qui me permettait de fonctionner depuis trois jours s'était soudainement écoulée de mon corps, et je suis devenue zombie pour le reste de la journée. Mal de tête, fatigue, irritabilité. J'ai essayé le café, mais après trois tasses, j'avais les articulations qui frétillaient, sans pour autant avoir les paupières grandes ouvertes.

Par un quelconque miracle, je suis passée au travers du reste de la journée, et à la fin, je suis sortie manger avec quelques-uns du groupe.

Une sortie au Biergarden était prévue, mais la plupart allaient manger chez leurs familles d'accueil d'abord. Pour certains, toutefois, ce n'était pas possible. (Les familles d'accueil habitent loin ou, comme dans mon cas, ce sont les familles d'accueil qui nous reconduisent partout et je me sentais mal de demander à Cati de venir me chercher, pour ensuite me reconduire, et revenir me chercher encore.) C'est ainsi que Michela (Canada), Sophia (USA), Nick (Angleterre), Muireann (Irlande) et moi sommes allées souper dans un petit restaurant Hawaïen, en attendant que le groupe se retrouve tous ensemble au Biergarden.

Mary, de son côté, est rentrée à la maison. Sa grippe allait en empirant, et elle avait besoin de dormir.

J'étais un peu plus éveillée, mais socialiser demeurait un effort que mon cerveau avait du mal à exécuter. J'ai passé la majeure partie de la soirée silencieuse, mais ça a quand même fait du bien d'être avec le monde dans un contexte non professionnel.

La canicule se poursuivait et la sueur nous faisait glisser sur le cuir de la banquette comme des bottines sur de la glace noire. Les cocktails du Happy Hour sont apparus comme un envoi divin. Jamais un Pina Colada n'aura paru si délicieux.

Je suis rentrée avec Cati vers 23h. Et cette fois, je n'avais rien à préparer pour le lendemain, ET nous commencions à 9h au lieu de 7h30 le lendemain.

Le gros gros luxe.

*

Jour 8: jeudi

J'étais rendue à un point dans ma vie où me réveiller à 8h était une véritable grasse matinée. Je me suis levée en (presque) pleine forme. Le café a fait le reste.

Nous avions une journée complète de formation devant nous, mais puisque nous n'avions plus nos jeunes le matin, et que nous commencions à être habitués à présenter des jeux et activités devant le reste du groupe de moniteurs, tout le monde était pas mal moins stressé.

Il faisait chaud, par contre. Ça, on s'en sauvait pas.

En après-midi, nous devions monter un Happy-ning (c'est ce qu'on appelle le spectacle présenté aux parents à la fin de chaque semaine de camp) pour s'assurer que nous comprenions tous ce qu'il doit inclure. Comme l'an dernier, c'était bien drôle à voir.

À la fin de la journée, nous avons su où nous serions pour notre première semaine de camp, et avec qui nous serions.

Je serais à Habsberg, un site où je n'avais pas été l'an dernier. Je serais la seule returner, donc je ferais office de personne ressource, au besoin. Tito serait à Vorra, le plus gros camp (4 groupes, 50 jeunes), et Anne-Marie superviserait Nürnberg (camp de jour de 4 groupes). Habsberg, toutefois, serait plus petit, avec deux groupes. Je serais monitrice de nuit avec Carl, et Tom (UK) et Steph (Canada) seraient moniteurs de jour.

Ça s'annonçait une bonne semaine.

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Jour 9: vendredi

Au déjeuner, Cati nous a annoncé que, selon les médias, la veille avait été la journée la plus chaude dans l'histoire de l'Allemagne. Ou à tout le moins, depuis que la température est mesurable.

Et cette journée historique, nous l'avions passée dehors, au soleil, à faire du sport. On pouvait bien être brûlés (dans tous les sens du terme).

En ce vendredi, c'était la dernière journée de la formation, et il s'agissait d'une demi-journée. Et la température, bien qu'un peu moins pire, continuait de taper.

Nous avons reçu une mini-formation en premiers soins, nous avons pris une photo de groupe, puis nous avons passé en revue les détails logistiques de chaque camp, avant de finalement nous séparer en équipes de camp (Vorra, Nürnberg et Habsberg) pour planifier la semaine à venir.

Mary n'est pas venue. La veille, Andrea lui avait dit que, si ses symptômes ne s'allégeaient pas pendant la nuit, elle pouvait rester à la maison pour dormir. De toute façon, elle était en congé pour la première semaine de camps, puisqu'elle devait aller à Berlin pour régler ses problèmes de passeport. Elle n'avait pas besoin d'être là pour la planification de la première semaine.

Après la planification, nous avons tout rangé le matériel, puis nous sommes allés célébrer la fin de la formation dans un autre Biergarden. LEOlingo payait notre dîner et nos deux premiers breuvages. (Tout le monde était tellement brûlé, personne n'a eu la force physique de dépasser les deux breuvages de toute façon.)

Vers 16h, Cati est venue me chercher. La famille d'accueil de Paul était là aussi, alors nous nous sommes assis un peu avant de partir.

Nous sommes rentrés à la maison pour prendre une douche et respirer un peu, avant de ressortir vers 19h, pour aller souper au restaurant avec la famille de Paul. Mary allait un peu mieux, elle est venue avec nous.

Ce fut une belle soirée, que nous avons passée en sueur. La canicule ne lâchait pas, et les pizzas géantes tout juste sorties du four n'aidaient pas. Nous avons trop mangé et bien bu.

Ça a bien dormi cette nuit-là.

Chapitre 2: La formation

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Jour 10: samedi

Deux jours plus tôt, Cati avait mentionné qu'elle avait trouvé des billets pour le spectacle de P!nk à Munich. Nous étions les bienvenues, Mary et moi, à nous joindre à elle si nous le voulions. Le coût était de 73 euros.

Ma première réaction avait été que c'était trop cher pour moi, et de toute façon, je n'aimais pas les foules.

Mais, avec persévérance, Mary avait réussi à me convaincre d'y aller, pour qu'on y aille ensemble. Come on, it'll be fun!

J'avais donc accepté. Et le lendemain, Mary s'était désistée en raison d'un malentendu d'horaire. (On pensait que le spectacle était vendredi, et finalement c'était samedi. Mary partait pour Berlin samedi.)

Je me suis donc retrouvée à aller à Munich seule avec Cati samedi après-midi, girls night!

Mary était partie tôt ce matin-là, vers 6h le matin, pour Berlin. Je ne l'avais pas vue partir, m'étant levée à 10h, ce qui était le summum de la grasse matinée dans le contexte actuel. Mais ce n'était pas tragique: je la reverrais sous peu, à son retour de sa semaine off.

J'ai eu un peu de temps pour relaxer, faire mon lavage et travailler un peu sur le blog (believe it or not) le matin. Puis, vers 15h30, nous avons pris la route pour Munich.

P!nk, here we come!

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Le trajet entre Neumarkt et Munich prend normalement une heure et demie, environ. En partant à 15h30, nous avions amplement le temps d'arriver, trouver du stationnement, puis rejoindre le stade pour le début du spectacle à 19h.

Normalement.

La loi de Murphy en aura voulu autrement.

Ça a commencé avec la fermeture d'une section de l'autoroute en raison de travaux routiers. Le détour était très mal indiqué, et nous avons donc perdu 30-40 minutes à tourner en rond avant de finalement retrouver notre chemin.

Ensuite, il y a eu un accident sur la même autoroute, pas loin de Munich, et nous avons été coincées dans le trafic pendant une heure.

Nous sommes finalement arrivées à Munich vers 18h45, et rendu là, trouver du stationnement était pratiquement impossible.

Par un miracle quelconque, nous avons trouvé un stationnement dans une ruelle vers 19h15, pas trop loin du stade. Nous avons mis les pieds dans l'enceinte du spectacle vers 19h30.

C'était encore le premier acte par un chanteur moins connu, alors nous avons pris le temps d'aller aux toilettes et de nous payer un drink pour la forme.

Il était environ 20h quand nous sommes finalement entrées dans notre section, le par-terre.

Puisqu'il n'y a pas de sièges dans cette section, et que nous n'étions pas très grandes, nous ne voyions pas très bien la scène, mais les grands écrans nous permettaient de voir ce qui se passait. La foule n'était pas trop étouffante, mais nous nous doutions que ça changerait, plus la soirée avancerait.

De 20h à 21h, c'était un DJ qui performait sur scène. À 21h, il y a eu une petite pause.

Le par-terre était de plus en plus plein, l'espace personnel devenait de plus en plus inexistant.

Puis, un peu après 21h, les grands écrans se sont mis à gricher, la musique générique a fait place à une chanson de P!NK, et la vedette de la soirée est apparue, suspendue à un chandelier géant, au-dessus la scène.

Ça commençait.

Chapitre 2: La formation
Chapitre 2: La formation
Chapitre 2: La formation

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Je n'ai pas assisté à beaucoup de concerts dans ma jeune vie. Les grosses foules me stressent, et j'ai un dos moumoune qui fait mal dès que je reste debout un peu trop longtemps. (Je peux marcher une journée entière sans problème, mais me tenir debout à un même endroit plus de 15 minutes est insupportable.) Et puis, je ne suis pas une grande fan finie de quelconques musiciens, alors je ne ressens jamais vraiment la nécessité d'aller voir un groupe live. La seule raison pour laquelle j'ai assisté à des concerts par le passé, c'était parce qu'un(e) ami(e) m'invitait et j'y allais pour l'aspect social.

J'avais fait une exception en 2017, quand j'étais allée voir les Backstreet Boys au Festival d'Été de Québec. La nostalgie d'entendre les chansons qui avaient bercé ma pré-adolescence avait pris le dessus sur le fait que je ne pouvais pas bouger, coincée dans une foule d'une centaine de milliers de gens. J'avais quitté les lieux couverte de sueur et gommée par la proximité avec tous ces inconnus, en me disant que c'était super, no regrets. Pas besoin d'en refaire l'expérience, mais you know, no regrets

Au concert de P!NK, je m'attendais à trouver le temps long, à avoir mal au dos et en avoir marre après trente minutes.

Le concert s'est terminé vers 22h30, et par un quelconque miracle, je n'ai pas souffert. Et ce "miracle", c'est en fait le charme de P!NK et son énergie. Un moment, elle parlait sur scène et faisait rire tout le monde, et un autre, elle virevoltait dans les airs.

Cati avait lu dans les journaux que, dans son concert, P!NK allait voler au-dessus des têtes de tout le monde dans l'arène, mais on ne voyait pas vraiment de câbles au-dessus de nos têtes dans le stade, alors on se disait que le virevoltage sur scène était probablement tout ce à quoi nous aurions droit à ce spectacle.

Puis, vers la fin, avec la chanson So What, on l'a vue enfiler un harnais géant, et tout de suite, on a su qu'on n'oublierait jamais cette performance.

Chapitre 2: La formation
Chapitre 2: La formation

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Après le spectacle, il fallait sortir du stade, ce qui n'était pas évident, avec les milliers de gens qui nous entouraient. Il fallait aller retourner nos verres au kiosque à cocktails, et ensuite se diriger vers la sortie. Ça a été long et pénible.

Une fois sorties, nous étions un peu désorientées, car le passage par lequel nous étions arrivées étaient maintenant bloqué. Il y avait tellement de monde autour de nous, les données de Cati ne fonctionnaient pas sur son téléphone, on ne pouvait pas regarder sur Google Maps. Nous étions épuisées, et pas en pleine possession de nos moyens. Cati stressait sur le fait que chaque chemin que nous prenions n'était pas celui que nous avions pris en arrivant, ou bien sur l'impression qu'elle avait que les dits chemins étaient dangereux, et je m'énervais parce qu'on n'avançait pas.

On a viré en rond pendant un bon moment, avant d'enfin trouver un chemin logique, et de finalement pouvoir utiliser Google Maps, puisque nous étions plus loin du stade bondé.

Une fois à la voiture, il était 23h, et une contravention nous attendait sur le pare-brise. Les places de stationnement dans cette rue étaient réservées aux résidents. Le montant n'était toutefois pas très élevé, alors Cati a simplement glissé le papier dans sa poche et a pris le volant.

Nous avions 2 heures de route devant nous.

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C'est un peu par miracle que nous sommes arrivées à la maison à Neumarkt en un seul morceau. Nous étions tellement épuisées. Cati avait dû se lever tôt le matin pour reconduire Mary à la gare vers 6h, et elle devait travailler dur pour ne pas s'endormir au volant. Je m'efforçais de lui tenir compagnie, mais toutes les deux, nous avions le cerveau trop en compote pour tenir une conversation. On a fait une pause en chemin parce que nous n'avions pas soupé et je mourrais de faim. On a pris du fast food pour emporter et on a repris la route.

Nous sommes arrivées vers 1h du matin. Nos lits nous appelaient avec la force d'un ouragan floridien.

Le lendemain, dimanche, la première semaine de camp commencerait en après-midi. C'était ma dernière chance de faire la grasse matinée avant que le sprint estival ne commence pour de vrai.

Je n'ai pas eu de mal à m'endormir.

Rédigé par la-grande-fugue

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