Le Grand Nord, Épisode 1: T'es qui, toé?

Publié le 6 Octobre 2019

Le Grand Nord, Épisode 1: T'es qui, toé?

Le temps était pluvieux lorsque j'ai atterri à Hay River, le 18 septembre, à 7h30.

Avec le temps, j'apprendrais à reconnaître que "ah, il pleut" n'est pas une remarque particulièrement surprenante, ni même valable d'être notée, par ici. Mais en cette première journée, j'étais encore capable d'un sentiment de surprise face aux nuages grisâtres qui flottaient au-dessus de nos têtes.

Soraya, secrétaire à l'École Boréale, et aussi chez qui j'allais habiter, était venue me chercher à l'aéroport. Nous avons paqueté les valises dans le coffre de la voiture et avons entrepris la longue route de 6 minutes entre l'aéroport et la maison. (Si on avait décidé d'aller directement à l'école, ça aurait été un gros 8 minutes.)

Il faisait définitivement plus froid qu'à Québec, mais la température demeurait relativement confortable. Les températures allaient remonter pendant la semaine, et il ferait même soleil, avant que le froid et la pluie de l'automne ne reviennent s'installer définitivement. 

Enfin, jusqu'à l'hiver, quelques jours plus tard.

"Tu es chanceuse," m'a affirmé Soraya. "Tu amènes le beau temps avec toi, il a plu toute la semaine dernière."

J'ai blagué comme quoi j'avais peut-être emporté le soleil espagnol / allemand avec moi.

"Mais tu sais," a continué Soraya, "les gens parlent du Nord, mais ici, en fait, on est dans le Sud."

C'est vrai que, à Hay River, on n'est pas à Inuvik. On est même un peu plus dans le sud que Yellowknife. Aux territoires, il n'y a pas vraiment de facteur humidex pour empirer les temps froids, ce qui maintient donc le froid sec, et moins imprévisible. À la place, ils ont le facteur vent, qui peut s'avérer vicieux. À Hay River, toutefois, il vente pas mal moins qu'à Yellowknife, semble-t-il.

Donc le sud, quoi.

Nous sommes arrivées à la maison vers 7h45, juste comme Diane, la troisième colocataire dans cette maison de femmes, s'apprêtait à partir travailler. Diane est enseignante à la maternelle à l'École Boréale. La maison de Soraya, avec mon arrivée, se transformait un peu en résidence pour le personnel féminin de l'école.

Nous avons déposé les valises rapidement dans la chambre qui serait la mienne, et puis nous avons mis le cap vers l'école, pour ma première journée de travail.

*

Le voyage avait été long. J'étais partie de Québec lundi soir, le 16 septembre, pour aller dormir à Montréal. Mardi le 17, je m'étais envolée pour Vancouver, et ensuite pour Yellowknife.

J'avais atterri à la capitale vers 22h30 ce soir-là. J'étais épuisée, mais Raymonde, responsable du programme aux Territoires, est venue me chercher à l'aéroport. Elle m'avait réservé une chambre d'hôtel pour la nuit. Nous avons laissé les grosses valises dans sa voiture, et je suis allée dormir quelques heures.

À 5h50, elle revenait me chercher, pour m'emmener à l'aéroport.

Tous mes bagages avaient été calculés afin de correspondre aux limites de bagages d'Air Canada. (Puisqu'il s'agissait de vols domestiques, je n'avais aucune valise enregistrée d'incluse, mais j'avais payé l'extra pour en avoir deux; 80$, quand ton billet coûte plus cher qu'un aller-retour Québec-Paris, tu te dis que c'est des peanuts). Mes bagages à main avaient causé problème dans le vol Vancouver-Yellowknife: l'avion était petit, et les compartiments à bagages aussi. Mais puisque mes valises respectaient les limites officielles de la compagnie, l'agent de bord m'avait simplement invitée à laisser le plus gros morceau dans un espace réservé aux agents de bord, à l'arrière. Ils pouvaient pas chialer.

Je n'avais toutefois pas pensé vérifier avec First Air, la compagnie qui desservait la dernière partie du voyage, de Yellowknife à Hay River. Eux, leurs avions sont toujours petits, et les limites de bagages à mains reflètent ces restrictions. J'ai donc dû enregistrer ma petite valise comme un troisième bagage de soute. Par chance, j'avais Raymonde, avec sa carte de crédit du gouvernement. J'étais la dernière d'une longue série de moniteurs qui étaient arrivés aux Territoires depuis le début du mois de septembre. Elle avait anticipé le problème, et je n'ai rien eu à payer.

Pour les vols au sein des territoires, pas besoin de passer la sécurité à l'aéroport. Raymonde et moi nous sommes donc assises près de la porte d'embarquement avec un muffin et un café chacune, en attendant. On a parlé, elle m'a expliqué qu'elle avait elle-même fait le programme, il y a longtemps. C'était comme ça qu'elle s'était retrouvée avec cet emploi, des années plus tard.

Le directeur de l'École Boréale, Monsieur Richard, avait lui aussi fait le programme, et c'était ce qui l'avait convaincu d'aller chercher des études en éducation. Elle était donc confiante qu'il serait un bon superviseur, puisqu'il connaissait bien le programme. Mon expérience de monitrice de langues serait positive, je n'avais pas à m'inquiéter.

Un peu avant 7h, l'embarquement a commencé. Environ sept personnes se sont rassemblées à la porte.

"Wow, il y a du monde, à matin!" s'est exclamée Raymonde. "Une fois, j'étais seule sur ce vol-là. Ça, ça fait drôle."

Mais pour une fille qui est habituée aux billets pas chers sur des compagnies aériennes merdiques, sept passagers, ça faisait vide dans l'avion.

Nous avons décollé à 7h.

À 7h30, nous étions à Hay River.

*

L'École Boréale. (C'est une photo de Google, il ne neige pas encore.)

L'École Boréale. (C'est une photo de Google, il ne neige pas encore.)

À l'école, j'ai rencontré le personnel.

Isabelle, du personnel de soutien, enseigne les mathématiques et travaille avec les élèves en difficulté. Elle remplaçait aussi Monsieur Richard pour quelques jours, puisqu'il était à Yellowknife pour le travail. C'est elle qui allait me bâtir un horaire et me guider pour mes premiers jours. 

Diane, que j'avais déjà croisée, enseignait à la maternelle.  Dominik enseigne les 1re et 2e années. Christine enseigne les 3e et 4e. Pierre et Karen enseignent les 5e et 6e ensemble; Pierre fait aussi les cours de musique et de technologie, et Karen enseigne l'anglais dans quelques classes du primaire.

Kim est enseignante d'anglais, mais surtout au secondaire.

Et il y avait bien sûr les trois enseignants réguliers du secondaire: Katrine, Nicolas et Étienne.

Plus tard, je rencontrerais aussi les autres membres du personnel de soutien: Klaudia et Aline. Klaudia était malade, et Aline commencerait son contrat le lundi suivant. (Ce qui veut dire que, à plusieurs reprises, lorsqu'un membre du personnel est venu me serrer la main, je me suis fait accueillir avec un sourire et un "Aline, c'est ça?")

L'École Boréale est une école d'immersion française, ce qui fait que le personnel enseignant vient d'un peu partout au Canada français: Québec, Nouveau-Brunswick, ainsi que les communautés francophones de l'Ontario, de la Saskatchewan et de l'Alberta.

Toute une gang d'étranges, bref.

J'espérais une journée courte et tranquille, après tout le voyagement que j'avais fait, mais pas de chance: Soraya m'a tout de suite parlé du contrat de service de garde, tous les soirs après l'école, pour lequel ils avaient besoin d'une personne supplémentaire.  Elle avait gardé le contrat pour moi, si je le voulais, puisque ça faisait un revenu supplémentaire, dans une région où faire l'épicerie coûte un rein. J'ai trouvé que c'était une bonne idée.

Ça commençait le jour même, par contre.

En ce premier jour, j'ai donc travaillé jusqu'à 15h30, principalement pour observer les classes, puis j'ai fait le service de garde jusqu'à 17h30.

Je suis rentrée, je me suis couchée.

*

J'ai commencé à travailler avec des petits groupes d'élèves dès le lendemain, jeudi.

Soraya était partie jusqu'à lundi pour le travail, je l'avais reconduite à l'aéroport le matin du jeudi, à 7h. Comme ça, elle me laissait la voiture si j'en avais besoin. Ça se révélerait pratique pour la première épicerie, qui est toujours lourde et volumineuse (et coûteuse, mais ça, on y reviendra...)

La première semaine a fessé fort. J'étais toujours épuisée de mes voyagements, et j'apprenais encore à composer avec des enfants du primaire. Tous les trucs que je m'étais développés, à travailler avec des ados, soudainement ne marchaient plus. L'attitude était plus cute, mais l'attention, pas mal plus courte. 

Depuis mon arrivée, tout le monde me disait que j'avais de la chance d'être là: une toute petite école, et donc une petite équipe, et avec des enfants gentils

Dans mes deux premières journées, je me suis à deux reprises heurtée à des jeunes avec des problèmes de comportement. Pas méchants, mais aux réactions imprévisibles. Puisque je ne connaissais pas leurs situations, je n'ai pas réagi comme il aurait fallu. J'ai essayé de négocier avec eux (tu peux prendre une pause quand tu m'auras écrit quatre autres lettres dans ton alphabet) ou de les discipliner (reviens t'asseoir tout de suite ou tu retournes en classe) et c'était exactement ce qu'il ne fallait pas faire. Dans leurs cas, il vaut mieux les laisser faire, apparemment. Éventuellement, ils reviennent.

L'un d'eux est demeuré semi-hystérique pour le reste de l'après-midi, même une fois retourné dans sa classe, et l'autre m'a fait me fâcher devant plein de membres du personnel de soutien (puisque c'est une petite école, on travaille avec les élèves dans l'atrium, l'espace central).

Je suis arrivée à vendredi épuisée, tannée, et en pleine remise en question.

Tu es chanceuse, les élèves, ici, ils sont gentils! En gros, on m'avait donné un tricycle et je m'étais plantée avec quand même.

Marre.

*

La première semaine aura tout de même eu de bons moments.

Le jeudi, j'avais accompagné Diane dans une petite promenade avec sa classe de maternelle. Nous avons marché le long d'un petit sentier derrière l'école pour ramasser des feuilles. Après, Diane allait parler de l'automne avec eux.

Ça aidait d'être deux. Selon moi, la population de Hay River doit être en croissance, parce que la classe de maternelle (qui est en fait pré-maternelle et maternelle combinées) est la plus grosse classe de l'école.  Avec 17 enfants de 4 à 5 ans, c'est difficile d'aller à quelque part sans en égarer en chemin. Mais avec deux adultes, ça permettait de mieux surveiller les distraits.

Un peu avant de quitter la classe, Diane avait demandé à son groupe de quelles couleurs pouvaient être les feuilles. On avait reçu les réponses attendues: vertes, jaunes, rouges, oranges. 

Et puis il y avait le petit comique (ou le petit mêlé, je ne suis jamais sûre, à cet âge-là) qui avait dit "bleues"!

Sur le sentier, je traînais à l'arrière avec les plus lents. La petite Samantha semblait pensive lorsqu'elle m'a lancé sa conclusion longuement réfléchie.

"Mais moi, madame, des feuilles bleues, j'en ai jamais vues!"

"Moi non plus moi non plus!" a ajouté le petit Antoine, pas loin.

Je lui ai offert une réplique de son expression pensive. "Hmm... eh bien moi non plus. Je pense que, des feuilles bleues, ça n'existe pas, en fait!"

Samantha a pesé les pours et les contres de mon hypothèse, et a semblé la juger plausible.

Elle a poursuivi sa marche en silence après ça.

*

Le Grand Nord, Épisode 1: T'es qui, toé?
Le Grand Nord, Épisode 1: T'es qui, toé?

J'ai passé la fin de semaine à dormir.

Ça m'a fait du bien.

Je suis revenue à l'école reposée et raisonnable le lundi suivant.

Il s'est avéré que les deux cas-problème que j'avais eus la semaine précédente étaient les pires. Maintenant qu'on m'avait conseillée sur comment les gérer dans le futur, je n'ai plus eu de problèmes avec eux après ça.

La deuxième semaine s'est déroulée dans le contrôle. J'ai appris à connaître les jeunes et les enseignants, et tranquillement, je me suis glissée dans une certaine routine.

Et le soir (ou plutôt, en fin d'après-midi, de 15h30 à 17h30), je travaillais avec Klaudia au service de garde. De jour en jour, nous avions entre 4 et 13 jeunes qui restaient avec nous après l'école, parce que leurs parents travaillent.

Au début, j'avais du mal, parce qu'ils ne m'écoutaient pas du tout. Mais après l'équivalent d'une semaine, ils commençaient à me connaître et accepter ma présence un petit peu.

Et j'apprenais aussi à insister. Quand un enfant de cinq ans ne tourne pas la tête quand tu l'appelles quatre fois, c'est apparemment normal.

Les vendredis, c'est un peu plus sportif: l'école termine à midi, mais le service de garde a toujours lieu jusqu'à 17h30. Les occuper deux heures après l'école, ça passe vite. Jeu libre dehors, collation, devoirs, et pouf, il est déjà l'heure de rentrer.

Mais cinq heures et demie, c'est moins facile à combler.

Maintenant que nous étions deux (Klaudia avait été seule avant que je n'arrive), nous pouvions faire des petites sorties, soit au centre de recyclage pour apporter les boîtes de jus accumulées à l'école, ou à la piscine. Ça faisait passer le temps un peu.

Klaudia est d'allure stricte au début, mais en travaillant avec elle à tous les jours, elle s'est aussi révélée rassurante. Quand je doutais un peu de mes habiletés, elle m'assurait que les situations qui me faisaient douter étaient en fait normales. Ça faisait du bien à entendre.

"Ils disent que ça prend un an à gagner le respect des enfants."

C'était un peu déprimant, considérant que je vais être là exactement un an. Mais au moins, je pouvais me dire que je n'étais pas juste incompétente.

Le primaire, c'est un tout autre monde que je découvrais.

Le fait de vivre avec des collègues aidait aussi parfois. Quelques fois, quand Diane me demandait comment avait été ma journée, je lui parlais des difficultés que j'avais eues, et elle m'expliquait un peu comment réagir dans ces situations, tout en m'assurant aussi que je n'étais pas la seule à avoir du mal avec les élèves en question.

Sinon, en prévision d'un hiver difficile, je me garde occupée.

Klaudia m'a invitée à aller faire de l'aérobie avec elle les lundis et mercredis. Ça me garde un peu active, et les cours sont simili-gratuits (ils prennent des dons à la place).

La prof d'aérobie est bien sûr la maman d'une élève.

Mais ça, c'est la vie en petit village.

Tu veux prendre une bière? Elle te sera servie par la maman d'une élève.

Tu as besoin d'un taxi? Le chauffeur sera le papa d'un élève.

Tu fais de la vitesse et tu te fais arrêter par la police? Vous l'avez deviné: l'agent sera le papa d'une élève.

Rassurez-vous. Non, je ne parle pas d'expérience (ou ben?), mais il s'agit tout de même d'une histoire vraie. Une élève du service de garde m'expliquait que son papa avait fait un peu de vitesse et s'était fait arrêter par la police. Quand l'agent s'était approché de la voiture, la fille du conducteur (celle qui me racontait l'histoire) s'était exclamée "C'est le papa d'Alexandra!"

Les deux papas s'étaient donc jasé ça sur le bord de la route, et le conducteur s'en était sorti avec un simple avertissement.

Eh ben. J'en prends note.

*

Jeudi dernier, je suis allée à un 5 à 7 de l'association franco-culturelle de Hay River. Les membres sont principalement le personnel de l'École Boréale, mais aussi quelques autres personnes francophones du coin.

Ça faisait bien, de socialiser avec les collègues en dehors du travail.

J'ai payé mon abonnement à l'association pour l'année, ça donne accès à plusieurs services intéressants. Surtout des activités en dehors de l'école, pour pas devenir trop workaholic.

Déjà, on m'a parlé d'une randonnée aux chutes Alexandra et Louise, pas loin de Hay River. J'y suis allée aujourd'hui, avec Klaudia et une certaine Madame Kelly. C'était très joli, et ça a fait du bien de marcher dans la nature. J'ai rarement l'initiative de sortir en randonnée comme ça, mais lorsque quelque chose est organisé, j'apprécie toujours beaucoup la sortie.

Et puis les chutes étaient impressionnantes. La chute Alexandra est apparemment l'une des plus grosses au Canada. Ça ne bat pas Niagara Falls, mais ça ne se laisse pas trop intimider non plus.

J'habite aussi tout près de ce qu'ils appellent "The Great Trail", un très long sentier qui parcoure le Canada. Je pourrais y prendre des petites marches de temps en temps, la fin de semaine.

Idéalement, avant que le gros de l'hiver pogne.

Et après avoir révisé la procédure en cas de rencontre avec un ours. Quelqu'un a posté sur le groupe Facebook de Hay River qu'ils en avaient vu 3 près du lac, récemment.

Mais pour en revenir à l'hiver: déjà, mon manteau d'automne commence à me sembler feluette.

Ce ne sera pas long que les journées vont raccourcir radicalement, et que les températures vont monter à pic.

On se prépare mentalement.

"Ils vendent des lampes de luminothérapie à la pharmacie," Isabelle m'a dit.

C'est sa 3e année ici. La première, elle était speedée, qu'elle dit. Elle n'a pas souffert de la noirceur.

La deuxième, ça allait.

Et la troisième, elle s'est acheté un cadran qui simule la lumière du jour 30 minutes avant le réveil, parce que là, ça commençait à être dur.

J'en prends bonne note.

Les Chutes Alexandra et Louise.
Les Chutes Alexandra et Louise.
Les Chutes Alexandra et Louise.

Les Chutes Alexandra et Louise.

*

J'ai maintenant fait l'épicerie deux fois. Les deux fois, j'ai pu utiliser la voiture de Soraya puisqu'elle était partie les deux fins de semaine que j'ai passées ici jusqu'à maintenant.

J'ai fait ma première épicerie le lendemain de mon arrivée, le jeudi. Je savais que ce serait une grosse épicerie, car il me fallait acheter toutes les choses de base: beurre, huile, riz, pâtes, céréales, sauces, épices. Plein de choses que je n'aurais pas à racheter tout de suite.

Mais même en sachant que ça coûterait cher dans le Nord, je ne m'attendais pas à 220$.

Ayoye dont.

Mais c'est correct, j'ai vendu mon rein sur eBay, et j'ai donc pu me payer ma 2e épicerie, une semaine plus tard. Cette fois, j'en ai fait une petite: 110$.

Je suis chanceuse d'avoir un loyer pas cher. Juste 1000$ par mois pour ma chambre, c'est bien. Par ici, il n'y a normalement rien en-dessous de 1600$.

Ceci dit, je n'ai pas à me plaindre: en plus de mon salaire mensuel, le programme me verse un montant additionnel à chaque mois pour couvrir mon loyer. Ils sont bien conscients que faire le programme dans le Nord, ce n'est pas la même chose que dans l'Est.

On me paie mon loyer, mes voyagements en avion (y compris pour le temps des Fêtes), mais surtout, cette fois, je reçois un vrai salaire. En Espagne, je recevais une petite bourse mensuelle, et c'était suffisant, considérant que je vivais chez des familles, toutes dépenses comprises. Mais en échange, il était attendu de moi que j'interagisse avec les enfants, et en bout de ligne, on ne se sent pas tout à fait chez soi. J'étais une invitée, il ne fallait pas être impolie. 

Là, je suis contente d'être de nouveau en contrôle de ma vie, de mon alimentation et de mes temps libres. Je paie mon loyer, j'ai une chambre qui est à moi (et qui n'est pas la chambre temporairement désertée d'un des enfants, pour m'accommoder). Il faut bien sûr faire preuve de bonnes habitudes de cohabitation (calme, ménage, respect), mais ça, je sais faire.

J'ai l'occasion de me sentir chez moi, un peu.

*

Et s'entame ainsi la 2e année du projet "Figure out my life plan". 

J'ai l'impression que ça fait 3-4 ans que je flotte ainsi, mais j'ai fini ma maîtrise au printemps 2018. Ça fait juste un peu plus d'un an.

C'est peut-être parce qu'avec mon année à Toronto en 2016-2017, ça fait pas mal 3-4 ans que je bouge à chaque année. Ou bien c'est juste le fait d'avoir bondit de l'Allemagne à l'Espagne, de l'Espagne à l'Allemagne, puis de l'Allemagne aux Territoires, qui fait que ma perception du temps est déréglée.

Je me suis déjà fait demander à quelques reprises par de nouveaux collègues "Pis toi, c'est quoi ton plan, dans la vie?" Et à chaque fois, je danse un peu autour de la réponse.

Parce qu'en vrai, la réponse, c'est que je le sais pas.

Je suis là pour me donner le temps d'y penser.

Tout en faisant des sous quand même, parce que la réflexion, ça paie pas les factures.

"Tu vas faire quoi après ça?"

Eille, slaque, là. Je viens d'arriver. On peut tu s'en reparler après Noël, au moins? L'an prochain, peut-être?

Une chose à la fois.

Alors en attendant, j'apprends à travailler avec tous les groupes d'âge en bas de 18 ans, je fais de l'aérobie, j'apprends à cuisiner avec des ingrédients qui coûtent moins de 10$ chaque, et j'essaie de maintenir en vie mon appréciation pour la nature aussi longtemps que possible, avant que les -50 et le ciel gris en aient raison jusqu'à l'été prochain.

Comme le dit la grande philosophe Kelly Clarkson, "What Doesn't Kill You Makes You Stronger."

*

(Ça a l'air cynique, mon affaire, hein? Mais en fait, believe it or not, je suis bien ici. C'est juste que les aspects l'fun ont moins de valeur humoristique, alors j'en parle moins. J'ai beau être ici juste un an, je me sens déjà beaucoup plus 'chez moi' qu'en Europe, où je vivais littéralement chez les autres. Même si c'est pas pour ultra longtemps, j'ai pas à vivre dans mes valises. Je peux me permettre de les entreposer (vides) dans le garage: quel luxe!

Ou en tout cas, jusqu'à ma formation à Yellowknife à la fin octobre.

Pis aux Fêtes.

Mais bon, j'ai pas à me plaindre. C'est une belle expérience que j'entreprends.)

À suivre.

Rédigé par la-grande-fugue

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